La Fête à Henriette est longtemps resté le plus méconnu des films de Julien Duvivier. Réalisé en 1952, il connait un relatif échec critique et tombe ensuite dans l’oubli, les négatifs originaux finissant même par disparaitre. Par chance, ce petit bijou d’impertinence connait une nouvelle jeunesse à la faveur d’une restauration en 2017. Très original, le film fonctionne selon l’astucieux principe « du film en train de se faire », mettant en scène deux scénaristes en total désaccord se chamaillant sur la tournure des événements racontés. Un scénario ludique signé Henri Jeanson…et Julien Duvivier !
Paris, 14 juillet 1952
Henriette (Dany Robin) a trois bonnes raison de se réjouir de ce 14 juillet. Non seulement c’est la fête de toutes les Henriette, mais c’est aussi son anniversaire. Sans compter que Robert (Michel Roux), son fiancé, compte bien l’emmener guincher non sans avoir fait avec elle la tournée des grands ducs : restaurant et visite de l’Opéra Mademoiselle ! Il faut dire qu’un 14 juillet à Paris dans les années 50 ce n’est pas rien. Des baluches sur toutes les places et du monde au bistrot. Point de mesures barrière à l’époque ! Une d’un autre temps, dansante et insouciante à l’image de notre Henriette comblée de bonheur devant de si belles perspectives.
Monsieur tempéré et monsieur fou-furieux
Sauf que le bonheur c’est bien connu est ennuyeux comme la pluie. Avis partagé par les deux amis scénaristes qui alimentent le film de leurs idées plus ou moins...surprenantes ! L’un, interprété par Louis Seigner, est d’humeur égale et de tempérament mesuré. L’autre, joué par un Henri Crêmieux particulièrement en verve, est fantasque, accessoirement très porté sur la bagatelle et cultivant un pessimisme viscéral. Le premier envisage de faire vivre à nos tourtereaux quelques péripéties bon enfant, là ou le deuxième serait tout prêt à jalonner ce 14 juillet romantique de toutes sortes de situations scabreuses ou d’accidents mortels. Dont acte ! « Et que faisons-nous de ce cadavre ? » rétorque alors Monsieur Optimiste à un Monsieur Pessimiste pris en flagrant délit de dérapage scénaristique.
De l’audace, de l’humour !
La mise en scène très audacieuse de Duvivier joue de cette mise en abyme permanente entre réel et fiction en train de se faire. Tour à tour, nous ons du manoir où résident les deux scénaristes (en compagnie de leurs femmes (ou maitresses)) au film qu’ils s’imaginent l’un et l’autre. L’audace se lit aussi entre les lignes du scénario. Les petites tenues féminines imaginées par le scénariste fantasque sont une réponse de Duvivier à la censure tandis que les personnages singuliers qui traversent cette histoire sont autant de clins d’œil au cinéma, l’un rappelant Gabin, une autre Arletty, etc. Quant aux dialogues d’Henri Jeanson, ils constituent à eux seuls un remède à la mélancolie.
La Fête à Henriette, un film très moderne pour l'époque, une réjouissante déclaration d’amour au cinéma.
Critique publiée le 31/01/2021 sur le MagduCiné
8/10 ++