Ce film noir écrit par le scénariste de "La femme au portrait" s'intéresse à la gémellité, et plus particulièrement à l'impossibilité pour la justice de condamner une meurtrière dont la sœur jumelle possède un alibi en béton. Olivia de Havilland, dont la rivalité avec sa sœur cadette Joan Fontaine n'a jamais été un secret, incarne les 2 jumelles que tout oppose sur le plan psychologique, et même si ce n'est pas pour ce film qu'elle fut oscarisée cette même année, l'actrice alors adepte de "la méthode" est épatante dans ce double rôle. En effet, la toute jeune trentenaire ne se contente pas de moduler sa voix pour interpréter tour à tour Terry et Ruth : elle change littéralement de personnalité sous nos yeux, si bien qu'à la fin du film, il nous suffit simplement d'observer son langage corporel pour savoir qui elle incarne à ce moment-là.
Au niveau technique, Robert Siodmak a fait des prouesses, et la présence simultanée des 2 sœurs à l'écran s'avère épatante, surtout quand on sait que le film date de 1946 ! Même en y regardant de près, on a bien du mal à discerner le moindre "truc" qui casserait instantanément la magie, et le résultat est tout bonnement bluffant de réalisme. Le début de ce long métrage a par ailleurs des airs hitchcockiens, avec ce subtil mélange de noirceur et d'humour que le maître du suspense aimait tant dispenser dans ses films.
Même s'il s'agit d'un film noir, "The Dark Mirror" ne se contente pas de proposer une banale enquête policière comme on en a tant vu dans les années 40 : une bonne partie de l'intrigue se déroule dans le cabinet d'un psychiatre, et à l'aide de divers tests (tâches symétriques de Rorschach, polygraphe), nous tenterons de savoir en même temps que le médecin si l'une des deux sœurs est capable ou non de commettre un meurtre.
La fin du film est particulièrement palpitante, et après une confrontation mémorable entre le docteur et l'une des 2 jumelles, "La Double Énigme" s'achève par une scène où Olivia de Havilland nous donne une véritable leçon de machiavélisme. Ceux qui l'auront vue dans "L'héritière" (1949) ne seront pas étonnés par l'intensité de sa performance, mais même quand on sait de quoi elle est capable, cela n'en reste pas moins impressionnant à voir.