Au plus près des coeurs, avec l'or d'une caméra-détonateur, Halfdan Ullmann Tøndel chauffe l'école à blanc, sa cour et ses couloirs, pour en faire un foyer d'infections, ou le puits des désillusions.
C'est dans une chaleur étouffante d'un petit village norvégien que ressurgissent à travers les pulsions de leurs enfants, les rancoeurs et les propres vertiges de leurs parents.
Et Renate Reinsve, révélée dans les 12 chapitres de Julie illumine et mystifie ce très beau long métrage d'un enfant du drame qui plus est. Car Ullmann Tøndel n'est pas le petit fils d'Ingmar et de Liv pour rien, c'est même là un second souffle pour une dramaturgie de "crispation". La tension produite en effet, la pression sur les corps et les esprits, l'utilisation des espaces, l'oeilleton serré et pointé sur les tremblements humains et les folies agères, tout est à ce point maîtrisé que l'on se crispe et l'on étouffe bel et bien.
Le cadrage est tenu, de la main de ses maîtres dirait-on, et au cordeau, l'utilisation du son rajoutant à l'horreur psychologique, la pression opère, elle est réelle dès les premières secondes, certains corps d'ailleurs flancheront vite, à l'image du nez d'une directrice adte qui saignera, oui, bien vite...
C'est même très appuyé se dit on, car on en vient parfois à regretter une certaine sécheresse, la rudesse et la brutalité intuitive des plans et séquences de ses pairs, car il y a là un travail permanent et trop peu de lâcher prise, d'acceptation du silence peut être aussi. L'image n'est pas seulement mouvement, elle veut raconter, beaucoup, à chaque seconde, nous perdre aussi, nous malmener, nous gêner, nous mettre mal à l'aise. Elle est volontaire, un peu trop sans doute pour être honnête.
Mais il faut avouer le plaisir de la charge, ne boudons pas notre plaisir, on pourra goûter les tours savants d'un cinéma proche du Dogme. C'est bien une chasse, une autre chasse qui est menée, celle d'une sorcière présumée, un dragon, Elisabeth ou notre fameuse Renate Reinsve. Et tout autour d'elle s'agite et tremble. Fascinante, intrigante, attirante et repoussante, alternativement dangereuse et fragile, une "actrice" redoutable dont il faudrait se méfier ou percer le mystère.
Vaine ambition, car insondable, pour un drame qui restera sans trop d'issues, mais nous aurons plongé, mis les mains, les yeux, nous aurons tant cherché les clés de ces problèmes humains inextricables. Nous aurons voulu nous pendre au cou d'Elisabeth ou de Renate, fascinante, à l'image de cette étrange chorégraphie d'une reine poursuivie par sa cour. Nous aurons connu le doute, qui au coin de chaque porte nous aura cueilli, et la journée fut longue et harassante. Acteurs et spectateurs finissons sur les genoux. L'on aurait pu se voir délivrés par l'orage éclatant en fin de film. Croit-on...?
La Convocation est une fuite éperdue, une perte de sens. Un cri d'alarme, l'anatomie de notre folie permanente. Un état des lieux des doutes pesant sans cesse sur l'usine éducative, et après. Drame de toute pression sociale et familiale. L'Everest de nos contradictions, de l'école à l'âge adulte, de ce que nous sommes d'abord en puissance et les peines qui s'en suivent, toujours et inévitablement.