Le quatrième pouvoir

Pour l'avant-dernier film de sa période américaine, Fritz Lang signe une œuvre qui ne manque pas d'intérêt mais qui ne parvient jamais à captiver le spectateur, en raison d'une intrigue policière traitée par-dessus la jambe.


Le réalisateur allemand vit alors depuis une vingtaine d'années sur le continent américain, et cerne désormais parfaitement les rouages de la société américaine, en particulier ses ressorts les moins glorieux, qu'il se fait un devoir de mettre en scène dans "While the city sleeps".


Fritz Lang y décrit le fonctionnement d'un grand network d'information, qui cumule agence de presse, quotidien local, service photo, et même l'encore balbutiante télévision.
A la mort du grand tycoon à l'origine de l'empire médiatique Kane, son fils frivole et inexpérimenté décide de mettre en concurrence les différents directeurs de service, pour résoudre l'affaire du "tueur au rouge à lèvres" qui terrorise les jeunes femmes new-yorkaises, et obtenir ainsi un énorme scoop.


Les agissements de ce sociopathe sont surtout un prétexte pour montrer l'avilissement des hommes de pouvoir, qui ne reculent devant rien pour assouvir leur ambition, dans une société fondée sur l'initiative individuelle et le libéralisme.
Entre les hommes qui sont prêts à toutes les compromissions pour doubler l'adversaire, et les femmes vénales et manipulatrices, qui vont jusqu'à offrir leurs faveurs sexuelles pour atteindre leur but, personne n'est épargné par l'ironie mordante de Fritz Lang, pas même le héros (incarné par Dana Andrews), qui accepte mettre sa future épouse en danger de mort, afin de servir d'appât au meurtrier.


Le tableau de la société américaine (à travers l'institution journalistique) n'est guère reluisant, et il faut souligner le talent de Lang pour mettre en scène de façon réaliste le milieu qu'il décrit : le jargon est omniprésent et l'urgence de l'info est bien mise en valeur par les sonneries incessantes, le bruit des téléscripteurs et le va et vient du personnel à l'intérieur du cadre.


Dommage que l'emballage promotionnel (affiche, titre, scène d'ouverture...) laisse croire à un polar sous tension, ce que "While the city sleeps" est finalement très peu, le récit policier étant plombé par les invraisemblances et les facilités scénaristiques. Dommage pour l'acteur John Drew Barrymore (fils de John et futur père de Drew), qui campe un psychopathe inquiétant et crédible.
A propos du casting, il faut signaler la présence toujours envoûtante de Vincent Price, qui incarne l'héritier malfaisant, dans une distribution dominée par les figures féminines, à savoir l'expérimentée Ida Lupino, la jeune Sally Forrest et la sculpturale Rhonda Fleming.

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le 25 févr. 2016

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Val_Cancun

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