La femme qui en savait trop
Joseph Cotten campe le personnage de Charlie Oakley, un homme visiblement recherché par la police qui ret sa nièce, interprétée par la charmante Teresa Wright, dans la maison familiale. Deux photographes se rendent chez eux prétextant faire des clichés sur une famille modèle. Très vite, il s'avère qu'ils rechercheraient le fameux "Tueur de veuves joyeuses", un criminel sans pitié qui tue et pille les veuves fortunées. Mise dans la confidence, sa nièce se retrouve dans une position très indélicate : son oncle avec qui elle vit tous les jours serait-il cet homme que tout le monde traque ?
Alfred Hitchcock présente un film un peu plus intimiste que les autres où l'histoire ne dée pas le cadre de la fratrie et des deux policiers en charge de l'affaire. Si certains personnages secondaires sont laissés de côté au détriment d'un duo beaucoup plus salvateur, chaque protagoniste à son importance et tous participent à la montée du suspense et à la construction d'un cadre inhérent au cocon protecteur dans lequel est plongé un Joseph Cotten à plusieurs facettes, impénétrable mais au final peu inquiétant. Sa prestation reste dans l'ensemble tout de même très correcte. Les formes géométriques et droites qui ornent quasiment tous les plans à l'intérieur de la maison l'étreignent et le contrôlent. Cette régularité tourne à l’obsession et assoit le présumé tueur dans un confort inéluctable. Il est dans son élément. La pauvre femme aura toutes les peines du monde à tenir entre ses mains moites de torpeur toutes les craintes qu'elle a envers son oncle. Elle s'y emploiera tant bien que mal dans l'espoir de protéger les siens de d'endosser seule et énorme fardeau.
Le génie du réalisateur réside, comme toujours, dans la faculté à déstructurer les propres fondements essentiels de ses "héros" par des ombres mouvantes qui dédoublent les apparences, des jeux de regards pesants ou ce plan majestueux du sol qui semble s'écharper sous les pieds de l'oncle Charlie. L'ombre du doute est omniprésente à tous les recoins, dans les suspicions de la nièce jusqu'à la manière dont son père tente d'élaborer le crime parfait avec son compère lors de joutes rocambolesques allant même parfois jusqu'à la mise en pratique. La mise en scène est épatante, pour exemple une mise en abîme significative de l'enquête policière où sont cités Sherlock Holmes et Hercule Poirot.
L'histoire manque un peu de stature et de rebondissements pour entraîner réellement le spectateur dans une montée en puissance dont Hitchcock nous gratifie habituellement mais le travail est titanesque et j'en suis resté iratif. Dans cet excellent thriller où les enfants, gages de contraste, sont insouciants et savent tout, le monde autour d'eux est comme une bombe à retardement et l'ombre du soupçon rôde partout, constamment, jusque dans les dernières minutes où elle ne laisse... plus aucun doute.