Il est probable que je vieillisse, et que dès lors, tout ce qui sort du prévisible et des attentes me plaise. J'ai découvert ce remake (ou réadaptation) après le classique de 1977, et on savait donc qu'on se trouvait sur une île où un généticien malade s'amusait à créer des chimères pour son rêve d'une humanité déconscientisée. Mais je n'en espérais pas autant.
Ce film va beaucoup trop vite. Une demi heure après le début, on sait ce que bricole le docteur (via une séquence d'accouchement évoquant furieusement Alien la résurrection, le meilleur de la saga ;), on apprends l'existence d'une société d'hybrides et on nous donne leur loi. On sait aussi que la fille du docteur est une chimère parfaite, une chatte devenue homme (et un clin d'oeil à Cat people). Puis arrive LE truc qui fait basculer le film dans le nanar génial : sa dimension religieuse. Le généticien (campé par un Marlon Brando complètement bourré) arrive grimé en pape (et en papamobile, sosie malade de Jean Paul 2). Il inculque la loi par la religion et la douleur. Le film dérape sur La planète des singes avec des animaux qui défient la loi et le joug des humains à 5 doigts. Val Kilmer pète les plombs et distribue de la drogue aux animaux en mode "ceci est mon corps", la hyène mutine veut devenir un dieu par l'usage des armes... Et dans tout cela, notre protagoniste, d'abord chantre de la morale, tente petit à petit de sauver la belle chimère qu'il désire secrètement, quitte à répéter le cycle scientifique qui aboutit à la situation sur l'île...
Bref, sans trop spoiler, ce joyeux bazar qui mêle scientisme, science fiction, religion, sociologie primitive et pulsions a en lui l'essence d'un chef d'oeuvre. Un peu maîtrisé, mais à peine (il semblerait que le tournage ait été des plus folkloriques, avec Brando et Kilmer faisant n'importe quoi), et toujours au bord de tomber dans l'abîme. Oh certes, les effets spéciaux numériques moches et ces costumes de chimères ne sont pas du meilleur goût, mais si on y réfléchit, il y a tellement d'idées géniales, tellement de générosité, une telle volonté d'en donner le maximum (les enjeux sont sans cesse rebattus ou relancés) qu'on ne saurait cracher sur une telle pépite. Une pépite boursouflée, malade (à ce stade, on n'attend plus que les acteurs jouent bien, juste qu'ils aillent plus loin), mais dont les ambitions sociétales sont évidentes, pas subtiles mais claires et galvanisantes.