Constance,une jeune orléanaise,quitte sa province afin d'aller étudier à Paris.Comme elle n'a pas un rond,elle galère pour se loger et finit par dégoter une chambre dans l'appartement d'Henri Voizot,un vieux veuf acariâtre et hostile.Incapable de payer son loyer,la fille accepte l'arrangement que lui propose son logeur,à savoir séduire son fils,un quadra dont il déteste l'épouse.Il espère ainsi faire exploser le mariage du fiston et être débarrassé de sa belle-fille.Ce film est écrit et réalisé par Ivan Calbérac,d'après sa pièce car le gars est aussi dramaturge et metteur en scène de théâtre.C'est un cinéaste du milieu,comme par exemple Jean-Pierre Améris ou Martin Provost,ces réals qui ne font ni dans le cinéma d'auteur ni dans le commercial,mais dans une sorte d'entre-deux.Produit par la Mandarin Films des frères Altmayer,l'oeuvre évolue donc sur la ligne de crête séparant comédie dramatique légère et réflexion profonde sur les aléas de la vie.Le départ est laborieux et on croit avoir affaire à un téléfilm sociétal plombant,mais peu à peu l'histoire acquiert la profondeur et la gravité lui conférant un certain intérêt.La bonne nouvelle est que Calbérac parvient à éviter le piège du théâtre filmé.Si la majeure partie du métrage se déroule dans l'appartement d'Henri,il y a suffisamment de scènes extérieures à cet endroit pour aérer la narration.D'autre part,l'avancée progressive des rapports entre les deux personnages principaux est bien maîtrisée et permet de découvrir petit à petit des personnalités plus complexes qu'il n'y parait au premier abord.Ce qui est frappant dans ce récit est la bêtise des personnages,une dimension rarement exploitée au cinéma en-dehors de la comédie.Car il ne s'agit pas ici de faire rire aux dépens des protagonistes,au contraire leurs erreurs stupides les pénalisent et les handicapent lourdement,comme dans la vraie vie où,contrairement à la fiction,les gens ne sont pas très malins et s'emploient à faire eux-mêmes leur malheur.Constance est une gentille fille,mais un peu neuneu,et de plus incapable de gérer la pression.Bonne pianiste mais recalée au Conservatoire,elle vivote à Orléans en ratant tout ce qu'elle entreprend.Elle échoue régulièrement au permis de conduire,elle couche avec son moniteur d'auto-école qui ne veut pas s'engager car il est marié et père de famille,et elle en est réduite à faire les marchés avec ses parents marchands de légumes.Et même là elle se révèle incapable de servir correctement les clients.Une fois à Paris ça ne s'améliore nullement.Elle loupe son examen d'entrée à l'université,elle s'amourache d'un DJ qui change de nana tous les jours,et elle doit jouer les séductrices pour éviter de perdre son logement,la lose intégrale en somme.Henri n'est guère mieux avec son aigreur et ses obsessions.Focalisé sur l'éviction de sa bru,il ne voit pas qu'il risque de perdre son fils unique,un type pourtant très gentil.Trop sans doute car Paul,qui a repris sans le vouloir vraiment le cabinet comptable de son père,tombe facilement dans les filets de la belle Constance,se transformant en bourgeois saisi par la débauche au risque de foutre en l'air son mariage.Valérie,sa femme,est une vraie cruche,artificielle et inadaptée aux réalités de l'existence.Il y a aussi Matthieu,le jeune barman collègue de Constance,un rêveur baba-cool qui veut faire le tour du Monde à vélo.Tous ces personnages s'agitent vainement et s'enfoncent comme dans des sables mouvants,victimes d'un destin qu'ils ne contrôlent pas.Le film n'est toutefois pas tragique et se terminera plutôt bien pour presque tous les intervenants,sans cependant qu'il y ait de vrai happy-end.On est dans une zone grise qui démontre que la vie n'est ni noire ni blanche,que le bonheur est souvent éphémère et qu'on n'atteint pas toujours ses objectifs.On peut déceler ici une forme d'autobiographie car Calbérac est originaire de Montargis,pas loin d'Orléans,et que lui aussi en son temps a tenté l'aventure parisienne,avec une certaine réussite en ce qui le concerne.La qualité du film doit beaucoup à ses interprètes,qui confèrent une grande densité à leurs personnages.Claude Brasseur,dont c'est l'antépénultième film et qui mourra cinq ans plus tard,est royal en vieillard grognon et atrabilaire progressivement conquis par sa locataire pour laquelle il finit par éprouver des sentiments paternels.La Suissesse Noémie Schmidt crève l'écran en jeune femme déboussolée mais vaillante et animée par un instinct de survie insubmersible et une irrépressible envie de liberté,et en plus elle est divinement roulée.Guillaume de Tonquédec est encore une fois parfait dans son emploi traditionnel de brave type coincé et timoré,tandis que Frédérique Bel commençait à incarner les idiotes de manière trop appuyée.Belle prestation du solaire Thomas Solivérès en jeunot désireux de rompre les amarres pour changer de vie.Stéphan Wojtowicz apparait peu mais bien en père aimant mais buté,avec sa coutumière efficacité.Les troisièmes couteaux sont assez transparents,avec Grégori Baquet en amant faux-jeton,Pierre Cassignard en médecin,Marion Christmann en candidate à un appart,alors qu'Anne Loiret en examinatrice du permis était tout indiquée pour tourner à Orléans,il auraient aussi pu caster Florence Loiret-Caille tant qu'on y était.Il est à noter que sur les planches,c'est Roger Dumas qui jouait Henri,dans une mise en scène de José Paul.