En 1988, Souchon vante en chanson la beauté d'Ava Gardner.
Cinq ans plus tôt, il tourne avec une actrice dont la splendeur n'a rien à envier à la Comtesse aux pieds nus : Isabelle Adjani, 28 ans, dont le visage de poupée nous donne une certaine idée de la perfection plastique.
Mais qu'on ne se fie pas à ses airs angéliques : Eliane est bien plus qu'une belle plante acquiesçant muettement. Pas la langue dans sa poche, elle est plutôt peste, son charme tend vers la séduction vénéneuse, elle toise chaque ant d'une moue dédaigneuse, s'éloigne d'un déhanché outré, perchée sur ses stilettos. On pourrait facilement s'agacer de ses excès de minauderie, de ses attitudes de poseuse habituée à demeurer sous la lumière, mais on voit bien vite que ce personnage colle parfaitement à Elle. A la fois môme blessée et jeune femme égarée face aux conséquences des incendies qu'elle allume, Adjani porte le film de Jean Becker (qui déploie toutefois une intéressante galerie de seconds rôles).
On ne qu'être époustouflé par l'engagement extrême, le jeu intense de l'actrice qui semble véritablement vivre ce qu'elle joue, signe des monstres du cinéma. Solaire, insolente, folle, lyrique, italienne, gamine, écorchée vive : l'actrice, qui incarna Adèle Hugo quelques années plus tôt, semble particulièrement se plaire dans des rôles instables, inflammables. Ces instants où la conscience vacille, où seul le cri donne la mesure de l'angoisse.
Bien sûr, Souchon est impeccable, touchant, un poil trop if mais c'est son rôle, et on se demande pourquoi il n'a pas persévéré dans le cinéma - même si la musique lui a ensuite gravement réussi. Amusant de voir le jeune Cluzet, qui tourne ici son 3ème film, trouver son ton, la façon de jouer, à la fois décontractée, rigolarde et grave, qui ne le quittera plus. On notera aussi la présence de Maïwenn, alors âgée de 7 ans, qui incarne Eliane jeune : si elle est pas tombée dans le 7ème art quand elle était petite, celle-ci !
Le cadre méridional, les vieilles histoires de famille d'un petit village où tout le monde se connaît et se surveille, une vengeance qu'on remâche, des mensonges qu'on multiplie et des vérités qu'on déterre par surprise : Jean Becker adapte avec brio le roman de Japrisot en conservant les multiples mystères du scénario littéraire.
La magnificence d'Adjani, la photographie très propre et la construction de l'intensité dramatique aux allures de polar contribuent à faire de cet Eté meurtrier un film qui vous happe de bout en bout.