Avec Présumé Coupable, Vincent Garenq signait un film sur un homme qui perdait littéralement le contrôle de sa vie, broyé par l'aveuglement d'un juge et de la machine judiciaire. Déjà. L'enquête parle à peu de choses près de la même thématique, mais à plus grande échelle encore. Il ne s'agit pas du scandale d'Outreau, séisme judiciaire, mais de Clearstream, "l'affaire des affaires", au carrefour des sphères bancaires, politiques, journalistiques, judiciaires et militaires. A travers le personnage du journaliste Denis Robert, Garenq tente de démêler les différentes intrigues de cette sombre histoire aux méandres dangereux, insoupçonnés, voire rocambolesques.
La quête de vérité entamée par un Gilles Lellouche en état de grâce le conduira, tout comme Philippe Torreton, à se faire broyer par le géant du monde de la finance, déé par une affaire purement bancaire qui dérape inexorablement. Lui aussi sera de plus victime de l'aveuglement, instrumentalisé, trompé et pris dans la tempête que déchaînent ses investigations journalistiques. Malgré lui, il sera de même invité à danser dans une véritable valse des pantins, où les plus hauts sommets de la politique et du renseignement français prennent un rôle prépondérant, tantôt acteurs principaux, tantôt menés en bateau par un Machiavel au petit pied (Imad Lahoud) qui défie l'imagination.
Vincent Garenq maintient constamment l'intérêt de son oeuvre en évitant à tout prix de la transformer en documentaire. C'est en utilisant au contraire tous les ressorts du film noir, avec ses rencontres secrètes dans des parkings déserts, ses coup de fils anonymes, ses preuves déposées dans une boîte aux lettres ou ses classiques cabines téléphoniques qu'il mène son intrigue et nous fait réaliser à quel point, au prix de manipulations, de pressions, d'intimidation, voire de meurtres, certaines forces sont prêtes à tout pour que leurs petits secrets restent cachés. Et c'est cette ambiance de paranoïa installée de main de maître par le réalisateur qui fait que l'on se sent concerné par l'odyssée de Denis Robert, même s'il ne s'avère pas être un personnage pour lequel on se prend de pitié, celui-ci n'hésitant pas à laisser déborder sa carrière au détriment de sa vie de famille dans une recherche du bon papier, du livre à écrire ou de l'exclusivité.
Vincent Garenq nous offre, avec L'Enquête, un formidable film ample et palpitant, où l'on se rend compte que la réalité prend le pas sur la fiction et que, malgré les beaux discours politico-économiques de façade, il y a vraiment quelque chose de pourri au royaume du Danemark.