Le capitaine White et le cinéaste maudit, Michael Cimino, se rejoignent sur au moins une chose : leur système respectif leur a mis des bâtons dans les roues. Ce genre de système qui te décore de beaux titres et te distingue par des mérites, pour ensuite te briser. Te laisser tomber.
Et là t'as plus que ton entrejambes, pour rester poli, et tes manches à retrousser pour aller de l'avant. Pour persister dans tes idées les plus folles diront les têtes de cons.
Je ne suis pas un expert du cinéma de ce cher Cimino. « L'Année du Dragon » n'est que la seconde oeuvre que je vois de sa personne, et il permet de me confirmer tout le talent de ce monsieur.
Parce qu'il ne constitue pas uniquement un bouche-trou dans une quelconque filmographie. On y décèle rapidement de l'ambition, de l'envie dans la mise en scène, dans l'imaginatif au sens large...
L'atmosphère de Chinatown et de tout ce qui s'en suit m'a rendu dingue. Ca m'est arrivé très peu de fois, ce type d'ambiance qui suffit comme seul argument pour relancer un film (Blade Runner et Children of Men sont des exemples qui me viennent à l'esprit). C'est vraiment de la pure folie.
La profondeur de chaque plan avec des détails qui fourmillent de partout, et en toutes circonstances, que ce soit lors d'une course poursuite, dans un lieu bondé où les foules sont gérées au millimètre près, ou encore les scènes chez la charmante Tracy Tzu. C'est surement académique dans la démarche, mais c'est fait sans fausse note et c'est d'une efficacité de feu de Dieu !
L'histoire s'articule autour de l'immigration, mais pas que. Et c'est ce que j'aime quand je regarde un film. Qu'il me divertisse tout en me faisant réfléchir, en diversifiant la forme de son propos sans en changer le fond. Et sans que je sois non plus tenu par la main. Les séquences ne se répètent jamais, la trame avance à un rythme soutenu et les différents embranchements s'agencent vers un même point final.
Pour en revenir à Mickey Rourke, il fait plus qu'honneur à son tandem avec Cimino. Il livre une prestation de haute volée en tant que meneur de loi expéditif qui plonge en apnée dans les profondeurs troublées de Chinatown.
L'ombre de la guerre du Vietman le suit partout, et à mesure qu'il avance dans son enquête indésirée par ses proches, ce goût d'autodestruction le ronge. Ces facettes font évidemment penser à "Voyage au bout de l'enfer".
Puisqu'on parle du personnage de Rourke, j'ai cru comprendre qu'à l'époque il avait essuyer quelques critiques sur un soit disant "racisme" qu'il prônait... laissez-moi vous dire que ceux qui ont formulé ces critiques sont és à côté. Ils n'ont vu que la partie émergente de l'iceberg... Les blagues sur les "Jaunes", sur leurs traditions datant de 1000 ans et que sais-je ne sont qu'une façon de servir de contre-poids face à des thèmes plus douloureux. Une manière ironique de surjouer la proximité avec la population de ce district "13", voire le peuple Sino-américain en général, pour que ces deniers répondent d'eux-mêmes et commencent à réagir afin de guérir les plaies de leur communauté. On le voit à travers la journaliste, ou bien la jeune recrue de police... ils témoignent de ce qu'ils voient, de ce qu'ils entendent et ne sont plus réduits au silence par la pression imposante des triades.
Un polar foutrement bon. Aussi écorché que Stanley White, aussi excitant que le dragon qui habite le quartier chinois, aussi brutal que les crocs de la légende écaillée. En un mot comme en mille... chef-d'oeuvre.
Tout le monde ne l'entend pas de cette oreille, certains criant au génie quand ça leur chante et alimentant le culte intouchable de réalisateurs que je ne trouve pas forcément plus louable que Michael Cimino.
Après l'enfer de Chinatown,
La Porte du Paradis s'ouvre à moi.