Story d'amour

En version longue ou pas, il est difficile de jeter la pierre à Peter Jackson tellement son hommage au travail de Merian C. Cooper, Ernest B. Schoedsack, Willis O'Brien, Fay Wray et Robert Armstrong (le film leur est dédié en fin de générique) respire l'amour et le respect. Et en optant pour une reconstitution se déroulant au début des années 1930, le cinéaste conserve le moulage du mythe originel tout en le modernisant de son savoir-faire et d'effets numériques à la pointe de son époque, c'est-à-dire en 2005.

Ainsi, le King Kong de Jackson jette un regard vers un é révolu qui se reflète dans notre présent. Les choses ont évolué et Ann Darrow porte désormais en elle un féminisme affirmé et n'est plus la simple fille des rues perdue et affamée. Elle est ici comédienne de théâtre et refuse la proposition de jouer, malgré la faim qui la tenaille, dans un boui-boui où l'on s'effeuille. Ce qui ne l'empêche pas de voler une pomme, symbole de transgression lourd de sens. Elle devient ainsi celle qui mènera les spectateurs à l'antre de la Bête, l'innocente pécheresse biblique qui amadouera Kong en se livrant à une danse (des 7 voiles telle Salomé ?) et qui lui confirmera la réciprocité de ses sentiments lors d'une chorégraphie improvisée sur un étang gelé. Des choix artistiques propre aux blockbusters du XXIe siècle pour faire vibrer les glandes lacrymales du plus grand nombre.

Mais en ce sens, le trop-plein noie toute émotion. Surabondance de larmes, Naomi Watts pleurant même au ralenti et, surtout, excès de scènes d'action qui s'éternisent à outrance, crachant à la face du public des milliers de créatures de toutes sortes dans des affrontements bien peu crédibles. Si Kong combattait un T-Rex en 1933, il résiste ici à trois. Dans une courageuse quête à retrouver Ann, l'équipage du Venture déjoue 100 000 dangers répétitifs qui en mettent, certes, plein la vue grâce à la technologie numérique, mais sombrent également dans une forme d'abus guère nécessaire.

Au contraire du King Kong original, qui ciblait un public d'adultes, voire d'adolescents, Jackson, lui, formate sa version pour les enfants. Sûrement pour celui que lui-même était lorsqu'il a découvert l'original à la télévision. Pour ma part, j'aurais peut-être adoré découvrir son King Kong entre 8 et 12 ans. J'aurais vibré, tremblé et pleuré en m'identifiant à Ann Darrow / Naomi Watts. Et bien que j'aie su conserver mon âme d'enfant, la maturité de mes 23 ans m'empêche néanmoins de tomber dans les facilités émotionnelles des blockbusters de ces vingt dernières années et le trop-plein de ce que Jackson impose ici. Car, malgré son incontestable maestria, ce dernier a omis un détail important : la magique naïveté du King Kong de 1933 offrait une forme de poésie à son public. Son œuvre, elle, ne propose que de la technique. Et quand la naïveté est de mise, elle devient forcément indolente. Un comble pour un film qui veut défiler à 1000 km/h.

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le 8 juil. 2024

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candygirl_

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