On le sait, "Kagemusha" traite du double et de la duplicité : que ce soit la double identité de son chef politique, ou l'ambigüité de la culture japonaise partagée entre vérité (l'honneur) et le mensonge (le rituel et les conventions), ce dédoublement est avant tout, pour Kurosawa une menace, le masque du pouvoir risquant de tomber à tout moment, et l’honneur tellement célébré en prend pour son grade... La féroce beauté avec laquelle Kurosawa organise les chorégraphies colorées de ses batailles sanglantes (et ô combien somptueuses !) traduit la nouvelle obsession esthétique du maître, mais il laisse encore éclater son humanisme dans une poignée de scènes particulièrement désespérées. Attention, néanmoins, réduit aux dimensions du petit écran, "Kagemusha" perd inévitablement de sa splendeur, mais - et même si, plastiquement, il aura été déé quelques années plus tard en magnificence par "Ran" -, "Kagemusha" reste une magnifique chronique à la fois humaniste et tragique. [Critique écrite en 1981. corrigée en 1998]