L’été appelant, j’ai trouvé de bon ton de parcourir Rome à l’arrière du Vespa de Moretti. Son Rome. Et quelle douce idée ce fut !
Ce mélodieux triptyque nous plonge d’abord dans cette ville que l’été a rendu quasiment déserte. C’est comme si elle devenait instantanément plus belle et mélancolique que jamais. À l’image du réalisateur sans doute, dont les choix de la BO subliment les déambulations. C’est une Rome belle mais triste, pas vraiment faste, presque perplexe sur ce qu’elle est et ce qu’elle a été. « Rome, il y a trente ans, était une ville merveilleuse, a l’époque Rome était belle » dixit Moretti, ne comprenant pas qu’on ait pu lui préférer le calme des quartiers périphériques, de ses chiens de garde, des cassettes vidéo et des pantoufles. La cité éternelle est en proie aux doutes, comme le suggèrent les broussailles qui recouvrent les terrains de foot et les pièces de ferraille qui surgissent du médiocre monument d’hommage à Pasolini, assassiné près d’une plage d’Ostia. Bref, cette première partie est un délice d’esprit, d’élégance et d’apparats déchus.
La suite nous emmène sur les îles Éoliennes, accompagné d’un ami de Moretti. Si l’étendue les paysages absorbent indubitablement mes yeux novices, les pérégrinations m'ont parfois perdu. Elles mériteraient assurément un deuxième visionnage. Toujours plus vives, les errances des deux comparses poursuivent le rêve du calme propice à l’écriture d’un film, tâche hardie dans un pays qui a un « besoin irrépressible de rire ». À plusieurs moments, Moretti est pourtant revenu me chercher, souvent par le rire, comme lors de cette scène pleine de drôlerie où il est question de quémander à des touristes américains les dernières avancées du soap opéra Amour, gloire et beauté, dont les épisodes tardent à atteindre la Botte.
La troisième partie, relative à la maladie de Nanni et principalement autobiographique, condense à peu près ce qui a été écrit précédemment. Il est, à mon sens, difficile de ne pas s’attacher profondément à ce joli personnage, terriblement authentique et proche de ce que semble être le réalisateur, toujours soigneusement élégant, même quand il dort et e la nuit à se tortiller attaqué par le prurit. Ses excès timides, ses questions suspendues et ses tièdes emportements sont savoureux, à l’image de cette phrase si morose et pourtant si fausse : « si ça dépend de moi, je suis sûr de ne pas m’en sortir ».