Je le jure
6.3
Je le jure

Film de Samuel Theis (2025)

Levez la main droite

Fabio mène une vie banale voire ennuyeuse.

A quarante ans il est employé d'une recyclerie à Forbach, participe à des fêtes alcoolisées, va à la chasse aves ses potes et vit avec (chez ?) Marie, une femme de presque trente ans son aînée. Le jour où il reçoit une convocation pour être juré d'assises, sa première réaction à la vue de ce courrier officiel est de dire à Marie : "je n'ai rien fait, dis-leur que je ne peux pas y aller". Sa compagne lui explique que cette "activité" est obligatoire et que son absence l'expose à une forte amende.


Le procès en appel est celui d'un jeune homme pyromane responsable par son acte criminel de la mort d'un pompier et donc accusé d'homicide involontaire. Le but n'est donc pas de juger de la culpabilité de l'accusé qui reconnaît son acte mais conteste la lourdeur de la peine. Le jury devra donc se prononcer sur la durée de l'incarcération qui est au début du procès de 12 ans. A cette première originalité (le coupable est coupable et le reconnaît) s'ajoute une seconde dans le parti pris de s'attarder sur le parcours, la vie et surtout le tempérament du juré le plus taiseux, le plus introverti, celui qui a le plus de difficulté à prendre la parole et à exprimer son avis.

A ces deux titres le film est une totale réussite absolument stimulante. Les scènes de procès, les interventions des experts chargés d'exposer la personnalité de l'accusé, celles de l'accusé très bien interprété (par Souleymane Cissé... rien à voir avec le réalisateur malien mort récemment) pas toujours sympathique et pas vraiment antipathique, les rencontres informelles (au restau, en pauses clopes) entre les jurés et leurs débats supervisés par l'istration judiciaire sont de belle tenue. Crédibles et efficaces. Chacun y va de sa conviction, de ses jugements parfois à l'emporte-pièce. Tout un de citoyens "ordinaires" issus de milieux très différents est représenté. Et finalement Fabio va s'impliquer intensément avec sérieux dans sa tache, poser à l'accusé l'une des questions les plus sensibles, et en se trouvant confronté à une immense responsabilité peut-être mûrir un peu voire s'épanouir et surtout accepter un pan de sa vie qu'il dissimulait jusque là.

Le film est dense et parfaitement documenté. La sanction infligée est-elle juste ? L'accusé-coupable avait-il son discernement altéré au moment des faits ? Doit-on le forcer à se soigner ? Les conditions de détention (on visite une cellule) sont-elles adaptées ? A cela s'ajoutent deux plaidoiries que j'ai trouvées irables. Celle de l'avocate générale (Sophie Guillemin, parfaite) qui reconnaît à l'accusé de ne pas nier son crime mais réclame une peine supérieure puis celle de l'avocat commis d'office et particulièrement compatissant.

Après Party girl et Petite nature, Samuel Theis démontre sa maîtrise de ses sujets parfois à la limite du documentaire et continue d'ancrer ses histoires dans le bassin minier mosellan qu'il connaît bien. Comme chaque fois, des acteurs confirmés (Marina Foïs, Louise Bourgoin, Sophie Guillemin) côtoient des non professionnels découverts lors de castings sauvages ce qui apporte une authenticité sans caricature au projet. Julien Ernwein (impeccable, charismatique, vraie gueule de cinéma) 42 ans maçon dans la vraie vie et Marie Masala (formidable) 69 ans sont irablement dirigés.

Le film m'a semblé néanmoins alourdi par la relation entre Julien et Marie. Du fait de leurs presque trente ans d'écart, le fait qu'il cache cette relation, que Marie se sente parfois rejetée me semblent faire partie d'un autre film, d'un autre thème. Je n'ai pas compris ce que cette relation venait faire ici d'autant que Fabio se jette sur la première personne de son âge qui lui plaît lors du procès (le "je ne suis pas une petite chose" de Louise Bourgoin faisant office de consentement pour qu'il l'embrasse...). Pour le reste, un sans faute, nickel.

Le verdict m'est apparu tout à fait surprenant.

7
Écrit par

Créée

le 1 avr. 2025

Critique lue 17 fois

2 j'aime

LaRouteDuCinema

Écrit par

Critique lue 17 fois

2

D'autres avis sur Je le jure

Autopsie d’un jury.

Entre conviction, doute et lutte des classes, l'autopsie d’un jury. Theis confronte des citoyens ordinaires aux paradoxes de la juste peine.

Par

le 28 mars 2025

8 j'aime

Je le jure: Juger le feu et l'impuissance

Dans Je le jure, Samuel Theis poursuit son exploration des marges sociales en croisant l’intime et le judiciaire. À travers le regard d’un ouvrier taiseux devenu juré d’assises, le film capte les...

le 27 mars 2025

8 j'aime

8

Du même critique

Io capitano

Seydou et Moussa deux amis de toujours ont 16 ans et vivent au Sénégal. Ils partagent le même rêve : redre l'Europe et qui sait, devenir artistes puisqu'ils écrivent des textes et sont...

le 7 janv. 2024

31 j'aime

Veux-tu m'épo ?

Faire l'ouverture de l'un des plus prestigieux festival du monde ce n'est pas rien. Nul doute que la nouvelle folie de Quentin Dupieux en a dérouté et en déroutera plus d'un. Les commentaires à la...

le 15 mai 2024

26 j'aime

Pour Valeria

Alexandre emmène sa femme accoucher de son deuxième enfant. La baby-sitter étant injoignable c'est Sandra, la voisine, sans compagnon, sans enfant (et sans le moindre désir d'en avoir) qui prend en...

le 20 févr. 2025

18 j'aime