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La vie en pas si rose

Cette romance impose à son public le même phénomène que vit son héroïne : la dissociation cognitive. Des clichés à la pelle, un cinéma très illustratif, un scénario digne d’un roman de gare… pour parler d’un propos grave et finalement pas si mal traité.

À l’enterrement de son père, Lilly (Blake Lively) ne trouve pas les mots. Il faut dire que ce dernier était particulièrement violent, notamment envers sa mère, et qu’il aurait été hypocrite de lui rendre hommage. Elle préfère tourner la page et se lancer dans une nouvelle aventure à Boston, où elle part ouvrir sa propre boutique de fleurs. Les affaires marchent bien, et mieux encore, elle rencontre Ryle (Justin Baldoni), un séduisant neurochirurgien avec lequel elle partage une relation intense. Mais peut-être que cet alignement est un peu trop beau pour être vrai.

L’adaptation du best-seller de Colleen Hoover est particulièrement pénible dans sa forme, surtout pour ceux qui ne sont pas amateurs de soap-operas américains. La réalisation enchaîne mécaniquement les champs-contrechamps dans des décors typiquement estampillé « bonheur bourgeois américain» : une boutique de fleur aussi hideuse que surchargée, un appartement aseptisé digne d’un catalogue de magasin de meubles et un restaurant qu’on pourrait retrouver dans n’importe quel quartiers branchés. Pas de doutes, les références et les valeurs du films sont résolument matérialistes et superficielles (américaines, diront les mauvaises langues). Les pamirs sont également vivement conseillées pour survivre 20 chansons qui viennent surligner le moindre moment « émotionnel » dans le film. Et que dire du scénario bourré d’invraisemblances, qui fait se rencontrer ses personnages par miracle, uniquement pour faire avancer son intrigue ? Ce cinéma se contente de montrer des interactions sans jamais parvenir à nous faire ressentir ce qui lie véritablement ces personnages.

Heureusement, il reste le fond, le cœur du film : son propos sur la dissociation cognitive dans une relation toxique. Malgré toutes les lourdeurs et les maladresses de la réalisation, le film réussit à montrer comment le confort matérialiste et superficiel agit comme un sédatif social, étouffant toute dignité et empêchant la prise de conscience de la dangerosité d’une telle relation. C’est d’autant plus malin, qu’il réussit à transmettre un message clair sans tomber dans un manichéisme simpliste qui se contenterait d’opposer la victime et son bourreau. Pour certaines sensibilités, peut-être que l’établissement d’un dialogue entre la victime et son agresseur paraitra romantisé et peu réaliste. D’autres y verront une illustration convaincante de la profonde interdépendance entre la libération de la parole et la nécessité du dialogue.


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le 14 août 2024

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el_blasio

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