Ce qu'il y a de presque touchant avec les tout premiers films de Joe, c'est cette apparente hésitation fébrile entre le monde qui a vu naître son amour turbulent pour la caméra et ses plus folles inspirations.
Rejeton direct de l'industrie Corman auquel il voue un culte on ne peut plus plaisant et légitime, Dante met en scène l'horrifique et le monstrueux dans ce qu'ils ont de plus simple et savoureux. Des crocs, des cris et du sang.
Seulement à la veille de Gremlins, le réalisateur se cherche encore et à l'image de Piranhas, sert ce qui pourrait de prime abord s'avérer une pure production d'horreur à la gloire des 80's, entre ruelles miteuses, néons suintants et sous bois brumeux. Il est clair que revenir sur Hurlements après avoir fait plus ample connaissance avec ce forcené de Dante permet d'ajouter à un film déjà bien marquant une nouvelle ampleur délectable à l'arrière goût de bidoche juteuse.
Tâtonnant, le film prend son temps et se lance dans un minimalisme de rigueur, à l'image des meilleures créations du genre, choisissant de faire doucement patienter avant de réellement justifier son titre et son affiche. Les ambiances se placent, l'atmosphère s'installe, et jamais les habitudes de Joe pour les éclairages irisés dilués dans des vapeurs effilochées entre les branches lugubres de bois nocturnes n'ont été autant justifiées que par ce conte de pleine lune. Petit à petit, la simple horreur prend tout l'apanage de la belle série B personnelle et amoureuse, fleuron affûté de la filmographie d'un doux taré.
Les bois menaçants, la nuit envahissante, une communauté aussi accueillante qu'anxiogène, une Dee Wallace hantée par ses cauchemars, du bétail retrouvé massacré, un homme traqué puis mordu... Le terreau fertile est placé pour les réjouissances et l'arbre furieux d'une lycanthropie délirante ne va pas tarder à pousser.
Alors qu'on commençait à se demander comment le truc allait débouler, Joe accomplit le miracle d'amener carrément quatre scènes de transformation qui se placent directement parmi les plus anthologiques du genre, dans une symphonie de râles bestiaux et autres développements dentaires et pileux soudains.
La première est de loin la plus sulfureuse, la deuxième restera à jamais la plus cartoonesque et "Dantesque", la troisième la plus euphorique et bordélique, et la quatrième, vous aurez qu'à la découvrir vous même. Chacune de ces séquences offre des ages à l'identité propre et incomparable où les maquillages incroyables, le look carnassier et destructeur des bêtes et les borborygmes incessants côtoient allègrement le délire le plus total et la fougue ingérable du futur père de la boule de poil qu'on doit pas mouiller ni nourrir après minuit.
Les visages se gonflent par bulles, prenant soudainement l'apparence d'un mélange entre un ballon de baudruche et la surface d'une casserole de flotte en ébullition, avant de trouver crocs et fourrure pour prendre les traits du plus séduisant des monstres, dans des gargouillis cartoonesques au possible et des jeux d'éclairages saisissants, mêlant une fois de plus le loufoque à l'horrifique inspiré vers un final débilo-jouissif.
Nous sommes trois ans avant Gremlins et déjà Joe trouve ses marques dans cette série B de chair et de poils qui se hisse dans un concert de cris au panthéon des films de bêtes lunaires, juste après Le Loup Garou de Londres. Encore hésitant, accroché à l'industrie qui l'a vu naître, la patte complètement délurée du réal est voilée, devenant d'autant plus touchante à chacune de ses apparitions. Jerry Goldsmith n'est pas encore là mais c'est déjà fou, débridée et sacrément ingénieux, on a l'éternel petit rôle de Dick Miller, le caméo de Roger Corman et une télé qui diffuse des cartoons... Pour sûr, c'est bien du Dante. Et un de mes préférés qui plus est.