Un destin hollywoodien servi sur un plateau d'argent

Ridley Scott a joué une carte facile en s'attaquant au destin de Maurizio Gucci, héritier intello de la famille Gucci, une marque dont le nom évocateur fait rêver. A l'origine du succès planétaire de la marque de luxe sont des paysans italiens ayant fait fortune grâce à des vaches toscanes. Ce film est un condensé des grandes fractures qui traversent les aléas d'un modèle familial, entrepreneurial, collectif : pouvoir et impuissance, héritage et frénésie, tradition et modernité, simplicité, arrivisme et carriérisme.
Est-ce que ce jeu subtil des contradictions est vraiment du ressort du film ou bien l'histoire de la famille Gucci est-elle en elle-même un drame hollywoodien?


Là où le film excelle, c'est qu'il arrive tout à fait à nous transporter dans l'ambiance calfeutrée de la marque de luxe, où la richesse et le succès embaument jusqu'à étouffer. Une tragédie italienne contemporaine qui se joue soit dans le purin des champs toscans baignés de lumière, soit sur les plateaux des défilés de mode new-yorkais. Cette immersion est facilitée par le choix remarquable de la bande son, allant du rock des années 1960-70 jusqu'au disco des années 1980. Quant aux décors et costumes, on n'attendait pas moins d'eux, qui sont à la hauteur du thème et de la superproduction hollywoodienne. Le choix d'ajouter un léger accent italien à l'anglais parlé par les acteurs évite de justesse l'ajout purement cosmétique et se révèle plutôt réussi.


Les acteurs sont aussi un choix judicieux pour représenter le choc des destins de cet empire italo-mégalo. Maurizio (Adam Driver) et sa femme Patrizia (Lady Gaga) portent à son paroxysme la lutte de pouvoir, lutte des classes, lutte des sexes et lutte des croyances qui parcourent le destin des Gucci. La lutte intestine car intra-familiale est plus subtile; elle a pour représentant le plus exubérant Pablo Gucci, le fils complètement déluré interprété par Jared Leto, grimé en artiste incompris. Le duo de choc de Maurizio et Patrizia est bien travaillé, même si aux trois quarts du film, on sent un empressement de mener vers la fin, qui se ressent sur l'évolution et l'éloignement respectif du couple.


Un film qui prend par sa trame tragique intrinsèque et l'enchaînement des engrenages et mécanismes irrésistibles de la soif de pouvoir. Une histoire d'amour, de famille, de business.

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le 13 déc. 2021

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Emilie Rosier

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