Chef-d’œuvre absolu du cinéma hongkongais triomphant, Green Snake est un ravissement de tous les instants. Tsui Hark comme à son habitude laisse aller son génie créatif qui paraît illimité pour accoucher d’une mise en images flamboyante de la légende du Serpent Blanc, célèbre conte traditionnel chinois. Tout le savoir du Maître est contenu dans une pellicule d’à peine 1h 40, semblant comme toujours prête à craquer de toutes ses fantaisies plus barrées les unes que les autres.
Le cinéaste se lâche complètement, faisant fi de toutes les conventions relatives à la cohérence du montage et de la trame scénaristique, use et abuse d’effets spéciaux plus ou moins réussis mais toujours diablement innovants et spectaculaires. Les couleurs se déversent à n’en plus finir sur chaque plan, les mouvements de caméras sont un bordel sans nom et les scènes d’action tiennent plus du combat de méchas que des arts martiaux : qu’importe, on est transporté du début à la fin sur un rythme effréné dans les tréfonds exotiques de cette formidable histoire sur le sens de l’amour.
Car Green Snake c’est avant tout un duo d’actrices, la légendaire Joey Wong (Serpent Blanc) dont le charme n’a décidément pas pris une ride et la mythique Maggie Cheung (Serpent Vert), deux icônes intemporelles du cinéma hongkongais qui se donnent ici la réplique. Toutes deux font du film une somptueuse histoire teintée d’une sensualité électrique et démoniaque, alimentant la métaphore de l’amour comme source de plaisirs aveuglants et illusoires. Une idée amenée à être surée par un superbe combat contre sa propre conscience dans une optique de libération transcendantale (la profondeur interprétative est non négligeable).
Servi par une bande-son tout à fait magistrale, le film de Tsui Hark ne peut que s’imposer, près de trente ans après sa sortie, comme une œuvre majeure de la filmographie du réalisateur, et plus largement du cinéma hongkongais auquel il délivra ses ultimes lettres de noblesse.