Le cinéma soudanais, revenu à la lumière avec Tu mourras à 20 ans, était présent pour la première fois en sélection officielle cette année à Cannes grâce à Goodbye Julia, le premier long-métrage de Mohamed Kordofani. L'affiche du film, magnifique, représente l'une de ses deux héroïnes, celle qui n'est pas Julia. Tout est sous forme de dualité dans ce film situé à Khartoum, entre 2005 et 2011, l'année où le Soudan du Sud devient indépendant : l'une des femmes est bourgeoise, nordiste et musulmane ; l'autre est prolétaire, sudiste et chrétienne. Si le film retranscrit avec force la situation sociale avant la sécession du sud du pays, il se présente aussi, et peut-être surtout, comme une splendide fresque romanesque, gorgée d'émotion discrète, autour de deux femmes qui n'ont a priori aucune valeur à partager, si ce n'est une forme d'aliénation, dans une société qui fonctionne autour d'une idéologie dominante. Le film explore avec subtilité l'intime d'une relation qui, pour être nourrie en partie de secrets et de contradictions, se développe comme un rempart contre les préjugés et le racisme. Sans mièvrerie mais avec bienveillance envers ses différents personnages, même masculins, Goodbye Julia milite avec ses armes, celles de la beauté et de la tolérance, pour une réconciliation entre deux peuples qui ne formaient auparavant qu'un seul pays. Et le message pacifique restera même si, aujourd'hui encore, des combats ensanglantent Khartoum et le Darfour.