Difficile de parler de Frantz et de porter un avis sur le film sans déflorer les tenants et aboutissants de son intrigue. Oh, rien de renversant, pas de twist de la muerte en vue. Non, rassurez-vous. Mais révéler et analyser tous les ressorts du dernier effort de François Ozon reviendrait, si vous traînez par ici, à vous priver du ressenti relatif au chemin qu'emprunte son personnage féminin principal.
En effet, si le film s'appelle Frantz, Ozon adopte surtout le point de vue de sa fiancée, Anna. Et de sa vie après la perte de l'être cher. Ou plutôt de sa survie. Car il s'agit bien, finalement, de survie, quand on ne ressent plus rien, sinon le vide, quand ce qui nous entoure a perdu ses couleurs. La caméra regarde donc en noir et blanc, afin de faire ressentir cet aspect morne, cette semi-vie coincée entre la maison, la présence mortifère des parents de Frantz, un bout de rue et sa tombe sans dépouille dans un coin du cimetière.
L'étranger qui s'immisce peu à peu dans son quotidien, finalement, sèmera les graines dramatiques qui fleuriront dans le dernier tiers de Frantz et dont les racines étreindront le coeur de la belle Anna. Cet élément perturbateur qui s'installe peu à peu au chevet de cette famille en souf rappellera le procédé qu'avait utilisé François Ozon pour Dans la Maison, même si l'aspect thriller qui irriguait ce dernier est ici mis sous l'éteignoir. Car si on se demande qui est cet Adrien et quels étaient, surtout, ses liens avec l'absent, sa présence est surtout l'occasion de faire revivre sa mémoire. En évoquant des anecdotes, des bons moments, où les couleurs se ravivent soudain à l'image. Comme s'ils étaient trop beaux pour être sincères.
C'est ça, finalement, Frantz. C'est le baume des belles histoires qui apaisent l'âme, celles qui adoucissent le sentiment de perte et qui soignent les blessures infligées par les armes, les sacrifices et les dommages collatéraux qu'engendre la guerre. Ce sont les récits et les souvenirs qui font revivre pour un instant l'être cher et son image figée teintée de regret. Ou encore une quête d'absolution, de pardon. Pour essayer de vivre enfin avec ce que l'on a fait
Si Frantz parle aussi des sentiments nationaux sur le conflit, et ce des deux côtés de la frontière, le film est avant tout un très joli portrait de femme, comme François Ozon a pu en réaliser dans Jeune et Jolie ou encore Potiche. Paula Beer y est fragile, délicate, tout en imposant une présence rare à l'écran et une beauté qui chavire le coeur. Tout comme ses larmes bouleversantes à l'issue d'un acte final marqué par la fatalité. C'est elle qui porte le film sur ses épaules, même si Pierre Niney, lui aussi, délivre une prestation de qualité. Mais c'est Anna qui émeut le plus et dont les sentiments sont les plus proches du spectateur, plus propices à l'identification, sensibles à l'amour qu'elle éprouve.
Certains objecteront certainement que quelques longueurs parsèment le film. Il est parfois difficile de leur apporter la contradiction, même si finalement, Frantz adopte le rythme de son héroïne qui semble remarcher doucement, un pas après l'autre, sur la douloureuse route du deuil. Convalescente, le coeur meurtri, Anna trébuche et se heurte à la réalité, aux faits, à ce qui ne pouvait pas arriver.
Et pourtant, au bout du chemin des larmes, il y a la lumière... Et l'envie de vivre.
Behind_the_Mask, coeur caramel.