There's something in the fog!

Troisième "vrai" film de Carpenter après Assaut et Halloween, si l'on excepte Dark Star et ses deux téléfilms, Fog fut enfanté comme un pur "produit" destiné à répéter l'exploit d'Halloween, film indépendant le plus rentable de l'époque. En réunissant le réalisateur le plus "in" du moment et sa productrice Debra Hill, le studio pensait à tort provoquer de nouveau le jackpot. Une histoire de fantômes par le petit prodige de La Nuit des Masques, le projet ne pouvait échouer. Le destin étant ce qu'il est (une belle saloperie), le film ne marcha évidemment pas aussi bien qu'escompté. Suffisamment pour permettre à Carpenter de continuer sur sa lancée et de nous offrir un paquet de chef-d'oeuvres, mais sans atteindre les sommets espérés.

Il n'empêche : ce petit classique du genre, en dépit de ses problèmes (des personnages bien caractérisés mais qui n'existent qu'à moitié, quelques longueurs, une histoire de malédiction d'une banalité affligeante) et de ces séquences rajoutées pour coller artificiellement la pétoche au public, reste un des meilleurs films de son auteur, véritable exercice de style à partir du rien - le brouillard. Un film brillant dans lequel Carpenter nous fout la trouille avec du vent, et excelle dans l'art de poser une ambiance lourde. La tension monte à chaque plan (le début est à ce titre une réussite), culminant dans certaines scènes carrément jouissives - le brouillard qui dévale la colline sous les yeux ébahis d'Adrienne Barbeau. Un "petit" classique car Fog n'a pas la gueule d'un L'Antre de la Folie, ni la facture très pessimiste d'un Prince des Ténèbres, et reste souvent considéré à ce titre comme une réussite mineure de son auteur. Sauf qu'en voyant la récente déchéance de Carpenter et le grand n'importe quoi qu'est devenu son cinéma, sous couvert de faire de western (excuse bidon pour justifier le fait que ses 3 derniers films soient plus ou moins des merdes), on se prend à regretter ce temps béni où il réussissait à créer une atmosphère aussi stressante avec aussi peu de moyens, et où son talent résidait plus dans sa mise en scène que dans un discours anti-libéral assez fripé.

L'histoire de Fog est classique, banale, mais elle fonctionne, et le film pourrait être décrit comme un "reader digest" des meilleurs trucs de Carpenter : les faux climax, les menaces "dans le cadre" (le méchant qui se lève en arrière plan), l'intrusion du fantastique dans le réel (L'Antre de la folie), etc. Et du coup, Fog se bonifie avec le temps. Un film calme, posé, qui prend ses aises dans la longueur, et peut paraître à ce titre un brin ennuyeux si l'on ne fait pas l'effort de se laisser prendre au jeu. Et puis comme d'habtiude chez Carpenter le cinémascope est utilisé à merveille, la photo est superbe (surtout les plans de nuits), la musique colle aux images comme une seconde peau, et les acteurs sont totalement crédibles, même dans les moments limites. Un film fantastique (à tous les sens du terme), qui a pris peu de rides et reste bougrement efficace 20 ans après. Comme quoi la vraie peur n'est pas fonction de bugdet, d'effets spéciaux ou d'images de synthèse, mais bel et bien de talent.
8
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le 12 mai 2010

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Prodigy

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