Après la douleur, la sidération, la colère, l'impuissance enfin : que nous reste-t-il ? La liberté d'aimer, de combattre la haine avec nos petites armes humaines, nos liens chers, nos attachements aux autres, et l'invincible comion.
Vivant à 7 km de Nice, j'avais besoin, au lendemain des tragédies qui ont frappé des vies innocentes en plein feu d'artifice, d'images gaies.
J'ai choisi "Encore heureux" pour son titre plaisant - qui reflète parfaitement à la fois cette volonté obstinée de la joie mais aussi une sympathique ironie qu'on retrouve dans le film. Avec un duo qui suscite immédiatement l'attachement : la délicieuse, loufoque et si invariablement juste Sandrine Kiberlain et le gentil loser sexy qu'est Édouard Baer.
Je n'ai pas été déçue, au contraire - mieux : j'ai été surprise. Je m'attendais à une énième comédie romantique autour d'un couple en perte de vitesse qui finit par un happy end attendu. Ce fut le cas en effet, mais que de détours prend le scénario, que d'inventivité et de loufoquerie dans le jeu pour faire de cette oeuvre un régal de tendresse et d'humanité !
Le supplément d'âme de ce film, ce sont ses dialogues acides et drôles, ses situations parfois grinçantes voire amorales qui en font un ensemble riche et très peu cliché, bien peu convenu.
Kiberlain livre une nouvelle fois une prestation bouleversante en ce qu'elle incarne de complexité de la psyché féminine, en ce qu'elle dit des méandres de nos amours. Elle incarne avec brio une femme abîmée dans son désir pour le père de ses enfants, et qui tient pour moi en une seule cause : le délitement de son iration pour lui.
Lui qu'elle a connu flamboyant cadre sup est aujourd'hui au chômage, les avis d'expulsion menacent, le quotidien - bien que tissé de tant d'amour entre les parents et leurs 2 enfants - est difficile matériellement... Marie est à bout, son estime de soi se fragilise et elle est donc vulnérable à la séduction exercée par un autre homme (impeccable Biolay) qui semble représenter pour elle une voie de sortie salutaire.
C'est sans compter sur la complicité, la tendresse qui la lie à son homme, consolidée par des années de connaissance mutuelle et qui est, sans qu'elle le réalise immédiatement, un indéfectible ciment.
Je les ai tous deux trouvé tour à tour émouvants, drôles, agaçants - très humains dans leurs imperfections et leurs doutes. Baer endosse encore le rôle de l'attachant naze, du généreux irréfléchi et idéaliste - un personnage inablement adorable qui lui colle à la peau. Kiberlain, dont les yeux émus, le regard parfois dans le vague, les grands sourires, l'ironie permanente, les sautes d'humeur à la fois hystériques et irrésistibles m'ont paru très proches de moi - sans doute une raison de mon engouement pour ce personnage et cette actrice.
La scène de fin, les situations croisées entre l'interrogatoire au commissariat - hilarant - et l'audition de la jeune fille sur Debussy, sa mère assise dans le public semblant voir défiler sa vie devant ses yeux, saisissant soudain sa chance d'avoir une famille (tout ça, rien que dans son regard et ses attitudes) - cette scène est un délice en tous points.
Ne boudons donc pas notre plaisir à voir ce duo se lancer des piques, chahuter comme des enfants, s'engueuler - vivre et s'aimer. Comme moi, comme vous, comme nous.
Et que tout se termine dans les bras de ceux que l'on aime, peau à peau, bouche à bouche. Pour oublier les drames, tenter de donner tort à l'horreur, un peu de baume au coeur, pour que cesse un peu la peur.