Ce qui frappe, devant En Liberté !, n’est autre que la liberté pleine et entière que s’autorise le film au moyen d’une rigoureuse maîtrise du scénario et de la mise en scène, l’un marchant de pair avec l’autre. Dit autrement, l’obtention de la liberté ici thématisée – en ce que tous les personnages s’efforcent de la reconquérir et de l’éprouver – est subordonnée aux plus grandes contraintes narratives et techniques, qu’accomplit avec brio Pierre Salvadori et son équipe. Son audace réside également dans son attachement à un protagoniste doublement marginalisé, d’une part en raison de son séjour de huit ans en prison, d’autre part à cause de son innocence qui l’amène à demander réparation à la société, à réclamer « ce à quoi il a droit », qu’importe la légalité des moyens mis en place pour l’obtenir.
À ce discours philosophique et judiciaire s’ajoute une réflexion sur le désir, issu de la privation et augmenté par la douleur engagée dans l’effort : en cela, la métaphore des pratiques BDSM, vectrice de comique, renvoie plus profondément à cette interdépendance de l’amour et de la souf, caisse de résonance des espoirs debout et des désillusions des personnages. L’humain constitue le cœur battant du cinéma de Pierre Salvadori, exploré dans ses imperfections et dans la foi qu’il place en les histoires qu’il (se) raconte pour vivre. Nul manichéisme, nul antagoniste, mais une mosaïque d’êtres écartelés entre des aspirations contraires dont les trajectoires diffusent un puissant sentiment de mélancolie.
L’entrelacs de ces fils narratifs et tonals variés compose un tissu complexe et hautement récréatif, qui emprunte à la parodie une vivacité similaire au geste de Michel Hazanavicius sur les deux volets OSS 117. N’oublions pas enfin la qualité des comédiens, mention spéciale à Adèle Haenel qui amuse et bouleverse dans le même plan. Un bijou.