Emmanuelle
4.3
Emmanuelle

Film de Audrey Diwan (2024)

Sans tension ni modernité

Dans sa relecture contemporaine d’Emmanuelle, Audrey Diwan transporte le récit de la libération sexuelle dans un hôtel luxueux de Hong Kong. Entre les murs de marbres et à l'orée des gratte-ciels, le film ambitionne de redéfinir le désir à l’aune de l'évolution des pensées. Pourtant, cette ambition, si prometteuse en théorie, vacille sous le poids de l’élégance glacée des décors, figeant les personnages et les émotions dans un carcan de perfection, réduisant dès lors l'expérience sensorielle à une contemplation stérile.

L’érotisme, qui devait être le cœur battant de ce récit, s’égare dans un exercice dépourvu de la tension nécessaire à l'éveil des sens, où la tension n’existe que comme un concept. Les scènes se succèdent, les conversations sont trop appuyés et les regards ostensiblement lourds.

La transposition dans un contexte contemporain aurait pu ouvrir un dialogue fécond sur la sexualité moderne, mais le film échoue à déer les stéréotypes éculés du genre. Là où on aurait espéré une réflexion sur la fluidité des identités, la diversité des désirs ou les nouveaux rapports de pouvoir, Diwan semble figée dans une vision archaïque et hétéronormative. Le plaisir féminin, au lieu d’être exploré avec authenticité et audace, reste captif d’une mise en scène qui l’exotise et le rend presque décoratif. Ce qui aurait pu être une réinvention devient une relecture superficielle, enfermée dans des clichés qu’elle ne cherche jamais à déconstruire.

Le spectateur, invité à contempler plutôt qu’à ressentir, se heurte à une froideur émotionnelle qui brise l’immersion. Le désir, pour être palpable à l’écran, exige une tension progressive, un frisson qui traverse les regards et les gestes. Or, ici, cette montée n’advient jamais. Les personnages évoluent dans des sphères distantes, leurs interactions semblant davantage guidées par les impératifs narratifs que par une véritable alchimie.

En fin de compte, Emmanuelle, sous la caméra d'Audrey Diwan, devient une expérience froide et inaccessible, un film qui regarde le désir de loin, sans jamais le laisser vibrer à l'écran.

2
Écrit par

Créée

le 17 janv. 2025

Critique lue 30 fois

6 j'aime

cadreum

Écrit par

Critique lue 30 fois

6

D'autres avis sur Emmanuelle

Gestionnaire de satisfaction

L’histoire de l’art se construit sur les ruptures : le canon des générations précédentes est un moule rigide à briser afin de surgir un cri de liberté qui chanterait les changements de l’époque. Mais...

le 30 sept. 2024

22 j'aime

1

Corps à cœur déçu

L’annonce, en mai 2022, d’une nouvelle adaptation (ou plutôt une réinterprétation) du roman d’Emmanuelle Arsan, presque cinquante ans après celle de Just Jaeckin avec Sylvia Kristel, avait suscité...

Par

le 25 sept. 2024

7 j'aime

Lost In Transexion

Film vu en avant-première avec la présence de la réalisatrice Audrey Diwan.Je n’ai ni lu le livre ni vu le film de 1974 mais après l’immense film qu’est « L’Événement » j’avais hâte de découvrir la...

Par

le 19 sept. 2024

7 j'aime

4

Du même critique

L'obsession et le désir en exil

Luca Guadagnino s’empare de Queer avec la ferveur d’un archéologue fou, creusant dans la prose de Burroughs pour en extraire la matière brute de son roman. Il flotte sur Queer un air de mélancolie...

Par

le 14 févr. 2025

29 j'aime

1

Maria dans les interstices de Callas

Après Jackie et Spencer, Pablo Larrain clôt sa trilogie biographique féminine en explorant l'énigme, Maria Callas.Loin des carcans du biopic académique, Larraín s’affranchit des codes et de la...

Par

le 17 déc. 2024

27 j'aime

3

Traumas des victimes murmurées

Sous la main de Tim Mielants, le silence s'immisce dans chaque plan, une ombre qui plane sur l’âme lugubre de son œuvre. La bande sonore, pesante, s’entrelace à une mise en scène austère, plongeant...

Par

le 20 nov. 2024

25 j'aime

1