Tsui Hark n'a pas évolué. Il a perduré, ce qui est déjà un exploit dans le domaine du cinéma, encore plus dans le milieu frénétique du Hong Kong où il a commencé sa carrière, ville-usine qui doit prématurément.
Dee troisième du nom s'annonce comme un complexe jeu d'intrigues de cour, avant que le soufflé ne retombe dans l'usuelle realpolitik magique chinoise (le mélange habituel de machiavélisme et de naiveté) : la traîtresse est l'infortunée victime d'un lavage de cerveau, la dissidence résulte de manipulations extérieures - qu'il s'agisse d'une fausse secte bouddhique dans Histoires de fantômes chinois 2, ou d'une secte d'assassins mongols dans Detective Dee 3. Le tout est de restaurer l'unité nationale à la fin : une pensée, un peuple, un territoire.
Dissimulation et tromperie, masques et intentions voilées - tel est l'habitus des ennemis auxquels le probe serviteur de l'Etat Dee se trouve confronté, les comportements qu'il doit déchiffrer. Dialecticien, il retourne leurs armes contre eux, adopte des méthodes de faussaire, de détournement de l'attention, de masques.
Les fictions chinoises exaltent le sens de la justice d'une noble roture qui se sacrifie pour le bien de la société (et à partir de combien de millions de morts - ou de déplacés en camps - le bien de la société cesse-t-il de correspondre au bien commun?), contre les fonctionnaires corrompus qui vendent leur pays aux intérêts étrangers.
Le final donne à voir un combat d'illusions - la mauvaise (propagée par les étrangers) est dissipée par la récitation d'un mantra (ou la lecture du petit livre rouge), et la bonne illusion... Devient la réalité !
Après tout, celui qui contrôle la perception de la réalité ne contrôle-t-il pas la réalité ? Dans toutes les poches, mieux que le petit livre rouge aux mots figés sur le papier : le smartphone, où l'histoire se réécrit en continu, et qui contrôle (espionne) son "détenteur" en continu.
S'il est impossible de prévoir l'enchaînement de répercussions des influences médiatiques, il est possible d'examiner les réactions en direct et d'engager une boucle de rétroaction - de nouvelles informations et des mesures adaptées.
Ce que la Chine craint le plus en son sein, la subversion ; ce qu'elle met en oeuvre au dehors, l'espionnage : aussi devait-elle développer son internet, coupé du reste du monde et totalement contrôlé par le pouvoir central, avant de le lancer à la conquête de la planète.
Go west singe malin !