On a souvent une vision du cinéma Coréen se limitant à des films ultra violents ou glauques, mais exposant des thématiques fortes et une critique sociale intéressante. On nous dépeint régulièrement, à travers ces films, un univers sombre et des individus crasseux happés par une société impitoyable. Castaway on the Moon s'éloigne de cet univers sombre tout en gardant, sous forme de métaphore essentiellement, une critique profonde et intelligente de l'isolement des individus.
Partant d'un synopsis relativement simple, un mec qui a tout perdu et qui se jette d'un pont pour finir échoué sur une île, le film ne cherche cependant pas à nous expliquer en détails les conditions de survie nécessaire pour vivre sur une île déserte.
La première partie du film nous présente donc le protagoniste échoué sur une île en plein milieu de Séoul, sur le fleuve Han. Le héros cherche d'abord un moyen de s'échapper avant de se résigner et d'accepter sa condition de naufragé. Toute cette partie est réalisée sur un ton léger, quoique légèrement mélancolique. Exit la gravité de la situation comme dans Seul au monde avec Tom Hanks. De nombreuses scènes tournent en parodie plusieurs récits et films abordant le sujet des survivants sur une île déserte (mention spéciale quand le héros essaye de faire du feu).
Mais contrairement à des films finalement assez creux comme Seul au monde, Castaway on the Moon tente, et réussi très bien, une critique originale de l'isolement des individus au sein même d'une ville gigantesque bondée de monde. En outre, tout l'intérêt du film réside dans le parallèle qui est fait avec le second protagoniste, introduit un peu plus tard. Ce nouveau protagoniste, une jeune femme, est elle aussi isolée et seule au monde … dans sa chambre. Du haut de son immeuble elle va ainsi observer et communiquer avec le naufragé.
La jeune femme, qui ne sort jamais de sa chambre et qui est enfermée dans un profond mutisme va ainsi peu à peu s'intéresser au héros et tenter d'engager la conversation avec celui-ci. A sa façon bien sûr, c'est-à-dire par message (des papiers dans une bouteille, un classique) et non pas directement.
Le parallèle entre les deux individus ne s'arrête pas là, puisque le réalisateur a synchronisé le déroulement des événements de la même façon pour les deux protagonistes. Le naufrage, l'espoir et le retour à la réalité, tout ce déroulement qui permet d'accentuer un peu plus la situation similaire dans laquelle ils se trouvent.
Tout est donc mis en scène de façon symbolique, le renfermement sur soi-même autour d'une société de plus en plus urbanisée et la communication qui ne se fait plus que de façon textuelle ou visuelle et non pas devant la personne en chair et en os.
C'est au final une situation particulièrement ironique et très intéressante qui se dégage du film : le naufrage de deux individus, l'un sur son île déserte en mode Robinson Crusoé et l'autre dans son appartement blindé de déchets ménagers en mode Hikokomori. Mais là où, le récit d'un homme échoué sur une île déserte relève de la fiction ou du fait divers, celui de l'individu isolé au sein même de la civilisation se révèle beaucoup plus actuel et donc intéressant. Le réalisateur a ainsi réussi avec brio à montrer qu'un individu seul sur une île déserte se trouve dans une situation similaire à un individu seul dans sa chambre et ça c'est fort !
Au final, le seul reproche que je pourrais faire sur ce film est sa fin, un peu trop convenue et facile. Cela dit, c'est avant tout pour tous les éléments symboliques qu'il dégage et de leur utilisation intelligente, que Castaway on the Moon mérite d'être visionné.