Une boîte de nuit dans le bruit et la fureur, bagarre pour une "princesse déguisée en pute" qui a eu envie de se donner des sensations : "j'aimais séduire les hommes et les exciter" : elle est cliente il est videur et la raccompagne en voiture après son agression.
Deux êtres qui n'avaient rien en commun et que les aléas de la vie vont rapprocher : deux paumés qui ont chacun un combat à mener, elle ex-dresseuse d'orques désormais en fauteuil roulant, lui qui extériorise sa violence dans des combats à mains nues.
Une étrange relation faite d'amitié et de respect s'instaure entre ces deux handicapés de la vie où chacun de manière différente a subi un traumatisme: Ali depuis l'enfance, infirme émotionnel qui reproduit le même schéma avec Sam son fils de 5 ans, et Stéphanie qui elle doit émerger de son "trou noir" et renaître à la vie après l'accident qui lui a coûté ses deux jambes.
Une adaptation du roman de Craig Davidson, jeune Canadien, qui fait dire à Audiard : "Quand j'ai lu ses nouvelles j'ai ressenti la mélancolie d'une époque bénie de la Nouvelle américaine, repensé à William Irish et Nathanaël West qui décrivent une société en convulsion avec ses personnages rejetés."
A part, en marge comme Ali qui depuis toujours sait juste se servir de ses poings pour se battre et gagner tel un gosse heureux qui découvre son pouvoir : un faux dur, un tendre qui s'ignore et qui va offrir à la jeune femme sa vigueur de mâle opérationnel au lit comme au boulot, sans misérabilisme, sans apitoiement, posant sur elle le simple regard d'un homme sur une femme.
Pas de mots d'amour, pas de grands serments, mais une étreinte charnelle qui la fait revivre.
De très belles scènes où Stéphanie, juchée sur le dos d'Ali se ressource au de l'eau, trouvant un nouvel équilibre dans cette mer où elle redevient une femme presque comme les autres.
Alors bien sûr le chemin sera long entre ces deux êtres si dissemblables et il faut saluer la performance des deux acteurs, Matthias Schoenaerts qui arrive en peu de mots et par un simple jeu de regards ou la violence de ses cris à exprimer son désarroi ou sa féroce détermination, et Marion Cotillard qui pour la première fois m'a touchée, tour à tour sobre et intense sur le chemin de la renaissance.
Un film qui malgré ses manques flagrants: la relation père fils n'est pas suffisamment développée non plus que le thème du handicap qui aurait gagné à être davantage travaillé, m'a marquée plus que je ne saurais dire, le age le plus beau et le plus touchant étant sans doute celui où la jeune femme, ulcérée d'avoir vu Ali partir avec une fille draguée en boîte, évoque, devant le regard étonné du garçon, qui semble ne pas comprendre, la délicatesse, cette façon d'être qui différencie l'homme de l'animal:pas de leçon, mais une douceur infinie pour en parler, très juste et très vraie.
Une réalisation coup de poing moins forte sans doute que Un Prophète mais où l'on reconnaît la patte du cinéaste, servie par un casting très efficace.