" Comme un insecte sur le dos "
Voir un Jacques Audiard ("De battre mon coeur s'est arrêté" / "Un prophète") c'est savoir que l'on s'attelle à une expérience à la fois physique et morale. La souf la plus profonde de l'être humain nous est balancée à la figure, l'air de rien. Les hommes d'Audiard sont un peu tous les mêmes, ces types perdus, remplis d'une violence souvent incontrôlable, des hommes crus et peu habiles avec les femmes qui crachent leur haine et leur inaptitude à la vie d'une manière sanglante, brutale, animale.
Les êtres sont en explosion permanente, perdus, enfermés, en décomposition et la caméra les traques au plus près, sans relâche.
Audiard ose tout et va toujours jusqu'au bout, même du plus dur, du plus irregardable...
Et puis, ici, il rajoute le parcours de cette femme (enfin un beau rôle pour Marion Cotillard) détruite au plus profond qui se reconstruit aux côtés d'un homme en pleine perte de ses moyens. L'électrochoc est le moyen, toujours radical, de revenir à la surface.
Pas d'amour promis, pas de sentiment balancé, ici nos deux amants "baisent", quand l'homme est "opé" juste pour voir si "ça fonctionne toujours" pour Stéphanie après l'accident qui lui a coûté ses deux jambes.
Les personnages d'Audiard sont comme des "insectes sur le dos" (la phrase est de Bashung) qui tentent en vain de se retourner, se tournant vers la violence, avant qu'avec "délicatesse" (Stéphanie y tient) une main ne vienne les retourner pour que, peut-être, enfin il puisse se relever.
Audiard, avec ses personnages, va toujours jusqu'au limites de la violence, dans le plus profond de la déchirure de l'être. On ne sait jamais où l'on va, ni pourquoi l'on y va mais cela reste une expérience intense, totale servie par une mise en scène impeccable et une esthétique rare... Bref, du cinéma qui bouleverse, renverse et change le regard de la première à la dernière image...