Film argentin sorti en 2009 et Oscar du meilleur film étranger en 2010, Dans ses yeux (El Secreto de sus ojos) est une oeuvre d'une grande ambition, et comme elle est réussie, d'une grande richesse.
Le suspense de l'enquête est prenant, les personnages sont touchants, et les enjeux sont grands, suscitant chez nous bien plus qu'une ive attente de dénouement. Ce film est profondément humain. Contrairement à ce à quoi l'on pourrait s'attendre dans ce registre du thriller à rebondissements, l'enquête ne se confond pas en de multiples acrobaties technico-médico-scientifico-légales et donne la part belle aux intuitions, aux sentiments et aux obsessions. Nul besoin des microscopes ultra-sophistiquées de NCIS (que je condamne sans connaître je le concède) ou autre, les preuves s'offrent à nos yeux, et ainsi à ceux d'Esposito et Irene (première apparition d'Isidoro sur les photos, les regards que ce dernier porte à la victime puis au décolleté d'Irene). Les yeux parlent, et trahissent ceux qui ont quelque chose à cacher (en la personne d'Isidoro). Les yeux parlent, et remplacent les mots quand ceux-ci ont du mal à sortir (multiples regards entre Esposito et Irene, témoins d'un réciproque désir contenu).
La mise en place des deux temporalités par le biais des intentions d'écriture et de résolution d'Esposito est habile et échappe aux excès de narration distanciée et désincarnée de l'intrigue que propose parfois une telle structure. La séparation n'est pas nette et ce retour sur ce é n'est ni vain ni détâché, il sert principalement à montrer à quel point le présent est nourri (si ce n'est pourri) par ce é.
Ce n'était pas une autre vie, c'était celle-ci. C'est celle-ci.
Certaines scènes sont d'une tension remarquable (premier interrogatoire Isidoro, ascenseur, découverte finale) et souvent la musique (par Emilio Kauderer & Federico Jusid) s'y invite irablement, et complète sans artifice ni lourdeur les instants tragiques de l'ensemble.
À n'en pas douter, Ricardo Darín est un grand acteur, et il est ici parfaitement secondé. Le résultat est complet, riche et sans aucune longueur. C'est d'ailleurs d'une richesse surprenante pour un film de seulement deux heures, qui fait donc preuve d'une efficacité redoutable et assume totalement son ample ambition.
C'est donc un très bel objet sur l'amour, la ion, la justice, l'amitié
(pobre Sandoval...), la corruption, le deuil, la vengeance... Tout le monde embarque pour un voyage mouvementé dans les affres, mais aussi les douceurs de l'humanité. C'est un voyage dur et ionant, et bien menteur est celui qui prétend pouvoir l'oublier.