En sévices commandés

Tu te cales devant un film d'horreur. Et, comme d'habitude depuis des années, tu n'as droit qu'à deux ou trois frissons plus dû à un savoir-faire roublard qu'à une réelle terreur souterraine inavouée, et du coup, tu t'interroges.


Si t'es complètement honnête, tu es obligé d'ettre que les souvenirs de tes premiers frissons sont soumis à l'inexpérience des premières fois. Pour t'en convaincre, il t'est arrivé de revoir ces films fondateurs, et devant la permanence de l’émoi, tu essaies à nouveau de rationaliser: et si l'émotion primitive restait collée aux images ? En gros, tu te demandes si tu es condamné à un épisode régressif à chaque fois que tu reverras L'exorciste.


En continuant à cre, tu te rends finalement compte qu'indéniablement, les films des années 70 (oui, car ce sont ceux-là, ceux de tes premiers émois, non ?) étaient imprégnés d'un côté malsain qui a irrémédiablement disparu depuis. Tu sais, cette impression glaçante de mettre la main sur un snuff movie (avant l'heure) au moment de te saisir de ton cannibal holocaust dans les rayons du vidéo-club*. Déjà, l'aspect raviné de la VHS* que tu enfournais dans ton magnétoscope* faisait méchamment penser à grimoire ancestral. La patine des images conférait à leur découverte l'exaltation de mille malédictions.
Et même pour remonter plus avant, comment revoir Nosferatu sans se demander pendant tout le métrage si par hasard Murnau n'aurait pas filmé un vrai vampire à son insu ? (oui, je sais, un film a même été fait sur cette idée, tellement elle est forte)
Bref, à chaque fois, l'impression de sortir du simple cadre du cinéma, une terreur plus large que l'expérience elle-même.


Défiscalisons les terreurs supplémentaires


Tu l'as compris dès les premières minutes de ce Conjuring, aucune angoisse de type ancestrale ne viendra ébranler ton cerveau reptilien. La faute à deux choses.



  • Une religiosité qui pourrait être inoffensive si on ne te présentait pas un sempiternel panneau "tiré d'une histoire vraie" qui chatouille. Pendant tout le film, l'évidence du cadre chrétien des choses pose question. Les méthodes, les convictions du couple Warren sont si prosaïques ("on cherche des preuves pour le Vatican") que tu as rapidement l'impression d'être en face d'un film de commande. Quand tu découvres qu'il s'agit d'un des désormais nombreux films (avec Man of Steel, pour ne parler que du plus connu) faisant partie intégrante de la stratégie (non cachée) de la Warner pour cibler le public religieux, vaste réservoir sous-exploité entre New York et Los Angeles, tu te rends compte que t'étais pas loin du compte.


  • Mais l'essentiel n'est pas là, puisqu'en son temps, l'Exorciste aussi s'appuyait sur des bases religieuses solidement établies (on dira que cela était fait d'une manière moins limpide et saine). Non, le truc qui te saisit d'entrée de jeu, c'est que tu vas avoir à faire à un pot-pourri de quarante ans de films de genre, aucun age obligé ne t'étant épargné, l'inventivité et l'audace des films des années 20 ou 70 en moins.



La conclusion de ce Conjuring est de ce pont de vue parfaitement raccord avec sa réalisation: un truc propre, technique, et parfaitement dénué de tout (l'inattendu, l'inexplicable) ce qui peut provoquer en toi une pointe de réelle et profonde terreur.


.


.



  • anciens vecteur de diffusion des films. Pour toute définition, rechercher sur internet.

4
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes We all live in our Yellow bus, Marine !

Créée

le 23 oct. 2013

Critique lue 4.3K fois

80 j'aime

16 commentaires

guyness

Écrit par

Critique lue 4.3K fois

80
16

D'autres avis sur Conjuring - Les Dossiers Warren

Infestation Oppression Possession

Ce film réunit les poncifs du genre. Pour ceux qui ont suivi d'assez près le cinéma d'horreur des dernières années, il semble n'y avoir aucune surprise. On essaie d'abord de nous vendre ça pour une...

Par

le 30 oct. 2013

70 j'aime

10

Ghostbusters.

Ce qui est intéressant dans le cinéma de James Wan, quelque soit le genre qu'il aborde, c'est que le bonhomme à beau nous balancer tous les clichés possibles et imaginables à travers la gueule, ça...

Par

le 8 juin 2014

60 j'aime

Les Warren : Acte III

Grâce à leur statut authentique, validé lui-même par le Vatican, et la réputation des affaires qu'ils ont traité, Ed et Lorraine Warren, et plus particulièrement leurs cas sont devenus une source...

le 13 août 2013

45 j'aime

2

Du même critique

Quentin, talent finaud

Tarantino est un cinéphile énigmatique. Considéré pour son amour du cinéma bis (ou de genre), le garçon se révèle être, au détours d'interviews dignes de ce nom, un véritable boulimique de tous les...

Par

le 17 janv. 2013

343 j'aime

51

Classe de neige

Il n'est finalement pas étonnant que Tarantino ait demandé aux salles qui souhaitent diff son dernier film en avant-première des conditions que ses détracteurs pourraient considérer comme...

Par

le 31 déc. 2015

319 j'aime

43

Tes désirs sont désordres

Christopher navigue un peu seul, loin au-dessus d’une marée basse qui, en se retirant, laisse la grise grève exposer les carcasses de vieux crabes comme Michael Bay ou les étoiles de mers mortes de...

Par

le 12 nov. 2014

300 j'aime

141