Alors qu'il songe d'abord à démissionner après s'être fait voler son revolver chargé dans le tramway, un jeune policier va se lancer à la recherche du voleur et chercher à ce que son arme tue le moins de personnes possibles.
Dixième film d'Akira Kurosawa, Chien Enragé nous entraîne directement et sans répit dans cette affaire de vols d'armes et le cinéaste japonais orchestre son récit avec brio et talent. Tendu tout le long, il fait peu à peu monter la tension pour mieux nous immerger dans la lutte et la traque réalisée par ce jeune policier. Il retranscrit tous les doutes et le conflits intérieur qu'aura ce flic tout le long du film. L'histoire est solidement écrite et la mise en scène est au niveau, sachant la rendre prenante et intrigante dès les premières secondes et nous happe du début à la fin.
Chien Enragé est aussi intéressant sur plusieurs niveaux de lectures, derrière cette enquête très bien ficelée se cache une vision réaliste et sombre du Japon d'après-guerre. Un Japon sous l'emprise américaine et qui se rapproche donc inévitablement du mode de vie de ces derniers mais aussi un Japon pauvre et c'est au plus profond de la noirceur et de ces quartiers miteux où vole, marché noir et misère sont fortement présents que Kurosawa nous immerge. Les frontières entre le bien et le mal sont parfois bien minces et il renforce souvent cette ambiguïté, notamment dans la façon dont le policier et le voleur sont similaires. Le futur réalisateur des Sept samouraïs maîtrise parfaitement bien son récit et met bien en avant la richesse de ses propos sans jamais sacrifier l'enquête et la traque qui eux, restent haletants, tout comme sa façon de dresser le portrait de ses personnages où il met aussi en place un choc de générations.
La force de Chien Enragé se trouve aussi dans la façon dont Kurosawa met peu à peu en place une atmosphère âpre, oppressante et tendue, très proche des films noirs alors en vogue dans l'âge d'or hollywoodien, et retranscrit la chaleur caniculaire de son récit. La qualité d'écriture, en plus de se voir au niveau de l'histoire et des personnages, est aussi visible sur les dialogues qui sont bien souvent aussi justes que pertinants. Devant la caméra, Toshirô Mifune et Takashi Shimura participent pleinement à cette totale réussite, tout comme l'ensemble des acteurs où chacun arrive à se fondre dans son personnage, permettant aux spectateurs de mieux s'y identifier.
Peu de temps avant d'obtenir une certaine renommée sur le territoire américain, Kurosawa livre ce polar noir, très bien ficelé, âpre et efficace où il met en scène sa vision du Japon d'après-guerre et ses bas-fond.