Power to the people ! Stick it to the man !
Dans une forêt sauvage, un cerf se promène à travers les épais feuillages et les racines. Quand tout un coup, un jeune homme peint en noir surgit pour égorger la bête et manger son cœur. Bientôt c'est toute une tribu d'enfants peinturlurés qui sort des bois à la rencontre du jeune guerrier. Réminiscence fugace du troisième Mad Max, on n'est pourtant pas dans un monde post-apocalyptique. Ici, c'est Captain Fantastic. L'histoire d'un père de famille qui a décidé d'élever ses enfants dans la nature, loin de la société capitaliste américaine et de son argent qui corrompt tout, loin des Wal-Mart et près des grandes forêts d'Amérique du Nord. Les enfants, chacun portant un nom inventé par les parents, afin de correspondre à l'unicité de leur personne, sont élevés dans le marxisme et le bouddhisme et célèbrent la journée Noam Chomsky. Une vie marginale idyllique, brisée par un drame : le suicide de la mère.
Alors que les parents de la défunte veulent l'enterrer lors d'une cérémonie catholique, la famille emmenée par le père Ben (Viggo Mortensen, tout en nuances et en pilosité) enclenche la mission « Free Mom » : c'est-à-dire partir sur les routes à la rencontre de l'autoproclamé "vrai monde", faire respecter ses dernières volontés de bouddhiste, celles d'être incinérée.
Feel-good drama à la frontière du road-trip, Captain Fantastic a des accents à la Little Miss Sunshine, et s'impose comme une leçon de vie colorée qui nous fait er du rire aux larmes. L’extrémisme apparent de la marginalité de nos héros permet en réalité de montrer les absurdités extrêmes de la société « normale » américaine, et son cortège d’hypocrisie policées et de non-dits lourds à porter.
Un « choc des cultures » drôle et grinçant, dont la principale force est de ne jamais renier son propos et d'épo son ode à la marginalité dans un jusqu'au-boutisme jouissif (ce qui n'empêche pas néanmoins aux personnages d'évoluer et de critiquer leur propre chemin de vie, sinon en quoi seraient-ils différents du système qu'ils défient ? ). Récompensé à Deauville et à Cannes, Captain Fantastic mérite un Oscar et un statut culte instantané, tant il réussit tout ce qu'il entreprend, et confère la furieuse envie de partir vivre en forêt d'Oregon, chasser le lièvre et lire la dialectique.