Aurez-vous le courage d'en rire ?

Tout allait bien. Le ciel était bleu, les oiseaux piaillaient en coeur, les jupes des filles se soulevaient fugacement au rythme d'une douce petite brise, les enfants couraient autour d'une balle rebondissant au grès des jeux de jambes, bref, tout allait bien dans le plus parfait des mondes. Puis c'est arrivé. Près de chez vous.


Un beau jour de mai 1992, le goudron le plus noir, le plus accrocheur, le plus suffoquant a été déversé sur la Croisette. Personne n'a été épargné. Tout le monde s'en souvient encore. Tout le monde se souvient du jour où l'on a osé rire face à l'innommable. Face à l'abject, face à la violence la plus gratuite, la plus crade, la plus abominable.


On dit que l'on peut rire de tout, mais peut-être pas avec n'importe qui. Nous le savions sans le savoir réellement avant cette chose, avant ce simple film de fin d'étude gonflé afin d'accéder aux salles de cinéma. Une sorte de parodie de l'émission Striptease shootée par trois énergumènes que nous ne sommes pas près d'oublier.


Une virée en enfer en compagnie d'apprentis cinéastes et d'un tueur implacable. Un électron libre qui ne fait pas dans la demie mesure, qui s'attaque aussi bien aux facteurs qu'aux petites vieilles et aux enfants. Poète à ses heures, philanthrope, philosophe devisant sur l'architecture volontairement plombante des HLM tout en se demandant si une gamine de dix ans à déjà vu la couleur d'un gland.


Nous sommes témoins, d'abord impuissants, puis complices, des exactions commises pour le simple plaisir de l'adrénaline, du fric, de l'image choc. Nous sommes témoins d'une horreur pure et nous rions. Putain, nous rions, comme nous n'avions encore jamais ris. D'abord avec une certaine honte, car nous ne pouvons décemment pas ettre qu'un infanticide puisse être la source de francs éclats de rire. Puis nous assumons. Pleinement. Nous nous délectons de l'absurdité de l'ensemble, de sa totale liberté de ton, de sa folie, des ses répliques cultes à n'en plus finir, de son mauvais goût assumé.


Puis vient le malaise. Une démangeaison qui se manifestera à divers moments selon les sensibilités. Le point de rupture, de non-retour. Cet instant horrible où tout cela n'est plus drôle, juste furieusement gerbant. Tourné à l'arrache par une bande de potes aux couilles gigantesques, C'est arrivé près de chez vous nous balance toute la saleté du monde à travers la gueule et nous observe, nous défie d'en rire. Challenge accepté.

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le 17 juil. 2016

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Gand-Alf

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