Ode à la contingence et aux imperfections humaines

Bienvenue à Gattaca, microcosme regroupant l'élite de l'aérospatial, sélectionnée pour sa perfection génétique, à savoir des performances physiques et cognitives optimales pour des missions futures dans l'espace.

Car dans le monde de Gattaca, l'eugénisme est un concept largement accepté et pratiqué, scindant le monde en "valides" et "non-valides". Conçu avec amour et/mais avec hasard, Vincent n'a objectivement aucune chance d'atteindre son rêve - devenir astronaute - car il n'est pas "valide", à l'inverse de son frère Anton, concocté avec soin. Cependant, sa persévérance et la rencontre avec Jérôme, un valide en fauteuil roulant, vont lui faire déer les limites autorisées par la société.

A la fois film de science-fiction et thriller policier, le film bénéficie d'un scénario très riche. Sorti en 1997, il parait peu croyable que le film garde sa modernité à l'ère des bouleversements technologiques et de l'Intelligence Artificielle (IA). Pourtant, c'est bien le cas: la proposition de scénario SF frôle avec un futur sinon proche, du moins tout à fait envisageable. Touchant aux limites éthiques de la science, le film interroge sur notre humanité, le bonheur, la conduite morale et finalement sur cette force humaine de vivre dans la contingence.

De plus, l'attention au détail rend le film tout à fait "réaliste": du rituel matinal de Vincent pour enlever toute trace de son vrai ADN, au bruit du moteur habilement modifié pour le rendre futuriste juste comme il faut. La voix du narrateur (Vincent) crée une distance avec le récit, tout en lui faisant bénéficier d'une sorte de crédit.

On aurait aimé que le film nous donne davantage à voir sur le concept de société proposé, au-delà du monde de Gattaca. Quid de la place des femmes et des personnes de couleur? (à noter qu'il n'y a qu'un personnage noir - le médecin - et un seul personnage féminin important - Irene, une valide). A l'ère de l'IA, dont on découvre les biais et notamment les dérives discriminatoires, le film confirme qu'on ne peut se débarasser de l'humain, dont le lot d'imperfections, si mu par la ion et soutenu par des pairs, en constitue sa force.