Félix-Antoine Duval et Solène Rigot sont parfaits dans leur rôle de gardiens de moutons (qu'ils ont appris sur le tas : chapeau), au plus proche de la vie et aussi de la mort en montagne. Bergers est l'adaptation du livre D'où viens-tu, berger ? de Mathyas Lefebure, dans lequel il raconte sa reconversion inexpérimentée en berger de Provence, allant de découvertes effroyables (les bergers rendus fous par le métier, ceux qui maltraitent volontairement leurs bêtes, les attaques de loups, les orages terrifiants en montagne...) à des lendemains plus verdoyants (une bergère qui adore ses bêtes au point de ne vouloir en perdre aucune, un agnelage imprévu qui fait palper l'importance de la vie frêle au creux des mains de ce jeune homme, une compagne d'infortune qui commence à se rapprocher tendrement de Mathyas, les paysages époustouflants, et la vocation de faire un métier rude mais si beau...). Tout, dans Bergers, sent le vécu (on est allé demander pour la "scène des boucs et du pick-up", ne pouvant croire à tant de méchanceté humaine, eh bien on a fini de perdre foi en l'Homme, tout est malheureusement vrai), sent l'amour profond de ce métier, ne diabolise pas la présence du loup (on ne cache pas les dégâts, mais
Mathyas a une petite phrase finale qui remet les pendules à l'heure sur la situation
), s'offre des plans de cinéma (
lorsque Mathyas est face à la porte ouverte du chalet et que sa silhouette obscure se découpe sur la montagne illuminée, lorsque la bergère en chef lui redonne son bâton sans mot dire mais que le geste en soi signifie tout le respect du monde, lorsque l'agneau tremblote dans les mains pas encore très sûres de Mathyas...
Il y a des scènes vraiment belles à voir). On se laisse porter très vite par la poésie pastorale du film, par la sympathie très forte que nous inspire le couple principal de personnages (les deux acteurs y sont pour beaucoup, et pourtant Duval vient de l'univers du soap canadien, il n'était pas forcément le choix le plus évident pour le casting, et maintenant qu'on a vu le film, impossible de ne pas se dire que c'était le choix parfait) et par une découverte du métier qu'on fait en même temps qu'eux (ils n'y connaissent rien, et apprennent tout, en faisant des erreurs souvent bêtes, ce qui ajoute au réalisme et à l'identification). Bergers est une bouffée d'air frais, impose le respect le plus pur et sincère quant à un métier traditionnel et ionné, et s'offre de vrais moments de cinéma dans le suspens ou la tendresse, en laissant toujours son binôme principal (Duval et Rigot) être nos guides pour nous mener vers un très bon film. Bêêêêh.