Le film tout entier est un paradoxe. L'histoire de ces deux amis qui décident de créer la voiture de leurs rêves (une reproduction du bolide de Mad Max) dans le même temps qu'un club éponyme, le gang "Medusa", en vue de l'apocalypse qui finalement, n'aura jamais lieu. Ou plutôt si, mais pas tout à fait telle qu'il se la représentait... A Bellflower, cette ville californienne au nom léger et poétique écrasée de soleil, se trament en réalité bien des drames et de sombres desseins, dont ils étaient loin de soupçonner l'existence au début de leur aventure.
On ne va pas se mentir, la première qualité du film est son ambiance hypnotique, en partie due à la beauté des images : violentes et lumineuses. Placées sous le halo d'un soleil californien harassant, toutes les intentions des protagonistes semblent dotées d'une aura mystérieuse. C'est presque si l'on n'est pas capable de ressentir nous même cette chaleur écrasante, qui plonge la moindre action dans une moiteur collante, un rêve d'une langueur infinie. Un peu comme ces vagues de chaleurs flottant au-dessus du bitume en été, quand le soleil cogne si fort que tout semble pouvoir s'embraser d'un instant à l'autre; eh bien là c'est pareil, on est dans un mirage, l'atmosphère est brûlante, et ce n'est qu'une question de temps avant que tout parte en flammes.
Cette lumière et cette chaleur étourdissantes irradient jusqu'à l'histoire d'amour entre Milly et Woodrow, qui ensemble s’entraîneront dans une descente infernale, aux bords de la folie (de l'insolation). D'ailleurs, tout au long du film, on sent bien que l'on est dans une dynamique, que l'on avance inéluctablement vers une fin qui ne présage rien de bon. Les images-titres notamment, qui reviennent régulièrement nous rappeler le age des chapitres, sont un peu comme un décompte. Dès le départ, on sait que ces amis en apparence trop réglos, trop fidèles, et ces personnages en général trop édulcorés n'attendent qu'un simple prétexte pour faire tomber les masques et enfin se révéler. Encore un paradoxe d'ailleurs, dans l'ambivalence de ces gens simples qui restent égaux à eux-même, jusque dans les pires moments de pétage de plomb.
En fait, Bellflower est surtout un film de sensations.
Tout d'abord, on l'aura compris, on est prisonniers de l'indolence procurée par la chaleur mais ensuite, on se sent violemment saisis par une fureur de vivre et d'aimer acharnée, dans la précipitation et la démence, vite, avant que la fin du monde nous prenne. Heureusement, la conclusion du film vient nous re-déposer sur terre avec délicatesse, en nous laissant ébahis, heureux d'avoir été pris à notre propre piège, dans cette fulgurante recherche de violences et de ions.
En tout cas, ces images dantesques de lance-flamme dans la nuit n'ont pas fini de me hanter...