Vu comme une comédie, Belle de jour est réussi - ce qui, sans doute n'était pas l'intention première de Luis Bunuel lorsqu'il adapta le roman de Joseph Kessel qui se voulait, selon les dires de l'académicien, une démonstration du divorce terrible entre le cœur et la chair, entre un vrai, immense et tendre amour et l'exigence implacable des sens.
Las, le réalisateur ne parvient guère à cette noble entreprise. La faute sans doute à son actrice principale qui, excellente dans ses rôles de fin de carrière (notamment dans La tête haute), ne brillait guère par ses qualités d'interprétation dans les années 60.
Elle incarne ici une femme mariée et désœuvrée, une jolie potiche sans relief qui trompe l'oisiveté de ses après-midis en se prostituant dans la maison de e de Mme Anaïs (actrice dont le profil a de faux airs d'Audrey Hepburn). Le souci, c'est qu'on ne saisit pas bien ce qu'elle fait là : elle ne semble prendre aucun plaisir à ces rencontres clandestines, continue de faire lit à part avec son mari (en lui demandant, par trois fois dans le film, de lui "pardonner", quoi, on ne sait pas trop), ne se lie pas d'amitié avec les deux autres gentilles poules de la maison, ni avec la sympathique tenancière. Le conflit que semble soulever l'oeuvre initiale entre le désir de chair et l'amour fidèle et conjugal (peu manifeste) ici n'apparaît jamais.
M'ont beaucoup amusée les moments où son médecin de mari lui dit d'aller se reposer (de quoi ? elle qui ne fait rien de la journée hormis s'asseoir élégamment dans son canapé) ou lorsqu'on la trouve nerveuse.. Quelle rigolade ! Elle dont on ne peut que remarquer (et s'agacer de) la mollesse absolue, l'inertie et le total manque d'expression.
Pourtant, malgré son apathie manifeste, ses minauderies puériles, son absence de charme, ses silences (qui ne paraissent jamais torturés, malheureusement), elle devient bien vite la chouchoute de ces messieurs clients de la maison de e - sans doute parce qu'elle est blonde, je ne vois que ça.
Il y en a même un pour s'amouracher follement d'elle et ne désirer que sa "Séverine" du soir au matin. Dommage, la desperate housewife n'est dispo que jusqu'à 17h, ce qui va déclencher l'ire de son irascible et peu fréquentable prétendant.
Il y avait pourtant du côté du fantasme de la domination quelque chose à trouver, une idée à cre chez cette femme-enfant que rien ne semble pouvoir satisfaire vraiment, mais les scènes SM sont trop rapides et trop peu crédibles (toujours à cause de cette inexpressivité absolue de la belle Catherine - hello Ryan Gosling, here comes ta maîtresse spirituelle).
Reste un détail à sauver de cette bobine sans grande saveur et globalement mal jouée (exception faite de Piccoli et Francis Blanche) : le style vestimentaire des actrices. Y'a pas à dire : les années 60 sont bien un sommet d'élégance (pour moi, en tous cas). Petits tailleurs, robes chasubles, sahariennes, trench en cuir, foulards en soie dans les cheveux, manteaux à gros boutons tendance Jackie O.. Une vraie source d'inspiration pour toute amatrice de mode qui se respecte.
Je lirais bien volontiers le livre : il y a fort à parier qu'il doit être bien meilleur que son adaptation.
(Espérons-le en tous cas)