Banger
3.7
Banger

Film de So-Me (2025)

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Pas la barre, bichette

A défaut de t'embarquer dans le délire promis, certains films ont le mérite de t'apprendre des choses sur leur propre art, sur la grande famille du cinéma et ses accointances contradictoires avec celle du streaming. Ainsi en va-t-il de Banger, production Canal qui a atterri par erreur sur Netflix, ou est-ce l'inverse : un défilé de noms ayant grandi sur la chaîne cryptée, qui font aujourd'hui volte-face pour s'acoquiner avec le N rouge (peut-être parce qu'on y signe des chèques plus verts ?). Un film de plus portant la signature de l'ex-collectif Kourtrajmé, label largement redevenu à la mode ces dernières années vingt ans après avoir contribué à rajeunir l'"esprit Canal", avec récemment le retour en force de Ladj Ly, Romain Gavras, Mouloud Achour (aux commandes du film-hommage "Les Méchants") et, pour les plus fins connaisseurs, la naissance tardive mais méritée d'une vraie carrière d'acteur pour Alexis Manenti, qu'on retrouve d'ailleurs dans Banger avec plein d'autres de ses copains.


C'est déjà de copains dont il faut parler pour résumer l'esprit de Banger : celui de retrouvailles joyeuses, trop longtemps espérées, qui mettront instantanément du baume au cœur aux ados des années 1990 ayant grandi avec le collectif de Romain Gavras et Kim Chapiron. Pour la première fois en vingt ans, voilà donc que Vincent Cassel s'autorise à revenir à son registre de sale gosse attardé qu'il prototypa dans les courts-métrages des "Frères Wanted", avec phrasé caillera, énergie à fleur de peau et éruptions de bégaiements gogoles qui donnent parfois l'impression de revoir "La Barbichette" ou "Le Chat de la grand-mère d'Abdelkrim" (réf. requises). Le voir se crêper le chignon en DJ raté avec Alexis Manenti, l'ex-Dimitriu de KT, m'a rendu de nouveau nostalgique de cette époque des enfants terribles de Canal. Un objectif clairement recherché par So Me, graphiste-clippeur historiquement proche de Kourtrajmé (il a notamment co-réalisé des clips avec Romain Gavras) qui a voulu rallumer la flamme en espérant, peut-être, faire mieux que Mouloud Achour avec "Les Méchants"... en vain, malheureusement.


Sans même parler de la taule critique et publique que Banger se ramasse en pleine poire, il faut rappeler que c'est là un film Netflix, et pas un film Canal. On s'en rend compte en comparant Banger avec le film de Mouloud Achour, lequel a préféré s'adresser au cinéma, et se faire produire par ce dernier : malgré la réception absolument désastreuse qu'ont connu "Les Méchants", ils produisaient un réel effort artistique dans leur poursuite des codes des anciennes productions Kourtrajmé (dont un certain réalisme social des deux personnages principaux et de leurs dialogues, qui sonnaient assez vrais). Achour, Baumard et leurs acteurs avaient bossé leur approche, notamment en réponse à des contraintes budgétaires qu'on devinait assez drastiques. Pour Banger, les choses sont nettement plus différentes : c'est un film qu'on sent ostensiblement nager dans le pognon de la première à la dernière minute (scènes de foule au kilo, photo artificielle très léchée, décors chicos, caméos de stars par grappes entières) mais qui a été écrit avec le cul, comme 99% des productions originales Netflix. Il n'y a aucun enjeu, aucune vanne drôle, aucune progression scénaristique digne de ce nom. Juste un enfilement de scènes dans lesquelles des stars cachetonnent, auxquelles on n'aurait donné que de vagues consignes de texte et de jeu, et dont on aurait conservé chaque première prise, en sachant pertinemment que leur nom au générique suffira à rameuter de l'abonné.


Malgré tout l'amour qu'on peut porter à Kourtrajmé et à ses gloires sur le retour, c'est encore une fois impossible d'exc le Netflix seal of mediocrity, particulièrement français, qui donne le feu vert à bien trop de projets moisis en les arrosant de billets verts comme un émir qatari en boîte de nuit. Comme beaucoup d'autres avant, et sans doute après elle, Banger est une énième production SVOD qui salit les noms de quasiment tous ceux défilant à son générique (absolument chaque acteur est médiocre, impersonnel, gavant ; absent, finalement, en restant de plus dans les clous de bienséance imposés par Netflix et par ailleurs totalement incompatibles avec l'esprit KT) en s'imaginant que faire des panos claquos en night club ou name-dropper du gros poisson (Philippe Katerine, Nicolas Maury, Manu Payet...) équivalent à proposer de la qualité. C'est quand même très inquiétant de se dire qu'à démarche comparable, Banger est bien plus raté que "Les Méchants", mais qu'il bénéficie pourtant d'une exposition bien plus grande, à même de frapper à l'international de toute sa médiocrité epartout (en plus de scorer de meilleures critiques par un journalisme ciné SVOD en cours de trépanation avancée, mais c'est autre débat). Et c'est donc carrément navrant de voir les anciens cerveaux de Kourtrajmé tourner ainsi le dos à leurs parents de cinéma biologiques, manifestement plus par appât du gain que par conviction artistique au vu de l'objective dégringolade qualitative qu'occasionne leur transfert chez Netflix. En espérant que leurs liens avec le grand écran se ressouderont, par exemple avec le prochain de Romain Gavras, qui a été annoncé pour (soupir de soulagement)... le cinéma.

3
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le 17 avr. 2025

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Seb C.

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