C'est une date à marquer d'une pierre blanche, l'achèvement de The Infinity Saga, 11 années de travail, 22 films de tournés, un projet d'univers connecté aussi insensé que salivant qui trouve une première conclusion en Avengers : Endgame, suite directe de Infinity War après le claquement de doigt fatal de Thanos.
Mais Avengers : Endgame c'est également Marvel qui sont pris dans leurs propres filets, à avoir voulu être les premiers à réunir une équipe aussi titanesque sans envie de s'arrêter, ils rassemblent à la fois les meilleurs et les pires points de leur mode de production, devant donner un sens et une raison d'être au surnombre de longs-métrages et de personnages qui ont bâti le MCU.
Les 30-40 premières minutes nous prennent de court en virant la menace centrale et en imposant à ses super-héros d'accepter leur défaite, faisant le lien avec cette idée de "venger la Terre" comme il l'était annoncé dans Avengers, premier du nom. Il est forcément décevant qu'un univers purgé de la moitié de ses habitants ne soit jamais filmé à une ampleur cosmique, la situation géopolitique de la planète bleue aurait mérité bien plus d'explications, d'images et surtout de témoins humains pour faire ressentir les effets de l'apocalypse mais ça serait oublier que les Marvel ne se sont quasiment jamais intéressés aux humains, à ceux qui paient le prix des combats et vivent depuis en sachant que des surhommes les protègent. Pour faire simple, la Terre selon Marvel a toujours été une Terre morte, surtout sous la caméra des Russo.
Sans demander l'impossible, un minimum de mise en scène est essentiel si l'on veut croire à ce que l'on nous montre et jamais encore cela n'avait été mieux démontré que dans Endgame.
La gênance nous envahit quand toute une scène-clé du film doit se reposer sur le retour à la vie, le plaisir de revoir des oiseaux se poser sur une branche d'arbre. Sauf que c'est la première fois qu'on assiste à ça dans le Marvel Cinematic Universe. Avant ça, il n'y avait pas de vie, pas de nature, pas d'activité, les décors terriens n'ont jamais rien raconté, ils n'existaient même pas.
Tout l'argent du monde ne peut acheter du talent et il faut donc à nouveau se farcir une trifouillée de plateaux désertiques et de tournages en studios voyants par le peu de mobilité des acteurs.
Si l'ensemble est télévisuel comme pas permis, le premier tiers n'en est pas moins très accrocheur, témoignant d'un amour sincère pour ses personnages (Black Widow qui craque et parvient enfin à émouvoir, Captain America qui conserve son optimisme en toutes circonstances) et reformant petit à petit le groupe dans une tentative désespérée d'inverser le processus du Gant de l'Infini.
Et une fois entrés dans le deuxième acte, tout s'écroule sous nos yeux.
Sorte de best-of pour les fans, les Avengers s'introduisent dans les ages historiques de leurs précédentes aventures en cédant à la facilité du clin d'oeil comme si on avait soudainement changé de film. Entre parodie et "Et si", les actions de nos personnages perdent tout leur sérieux, les faisant er pour des clowns à longueur de temps et rappelant des stars de la franchise pour des raisons injustifiées (Da Hell Robert Redford?!). Si le age à New York est ridicule (mais compensé par une virée sympathique au New Jersey), celui sur Asgard le fait er pour du pipi de chat, étalant du vide sur dix minutes et humiliant ignoblement Thor, celui-ci étant d'ailleurs bafoué pendant trois heures en continu là où la blague sur l'apparence de Banner est vite oubliée.
Avengers : Endgame souffre d'un déséquilibre d'intensité important, loin de la plutôt bonne maîtrise de Infinity War, pouvant parfois être étonnamment violent (l'absence de sang-froid chez Thor quand il décapite Thanos) et d'autre fois faire le pitre en espérant faire arracher un sourire (les retrouvailles entre Star-Lord et Gamora). Certaines scènes sont fortes sur le papier mais étrangement ables dans le rendu (le sacrifice de Black Widow, aucun frisson, aucun sentiment de perte, un comble), d'autres subissent juste les conséquences du voyage dans le temps et de l'absurdité de son principe (Le nouvel affrontement contre Thanos n'a pas la tension voulue, le super-vilain ayant déjà été tué et ayant déjà lâché tous ses arguments, ne reste que son style de combat plus sauvage pour apporter un suspense différent).
L'invasion finale vient remettre les pendules à l'heure, réalisant comme prévu un rêve de gosse avec deux armées luttant pour le destin de l'univers, servant quelques plans iconiques à faire frémir tout gamin abreuvé de comics et s'achevant sur une disparition parfaitement exécutée du mythique Iron Man, incarné une ultime fois à l'écran par le fantastique Robert Downey Jr. La tristesse de voir cet homme de fer s'en aller à tout jamais est bien là et son départ est exactement celui dont il avait besoin pour conclure son arc narratif.
Les 181 minutes ne permettent pas à Endgame de faire tout ce qu'on attendait de lui. La taille du cast fait que l'on ne peut voir les réunions tant attendues (Nick Fury et Carol Danvers, Scott Lang et sa famille), certaines sous-intrigues sont résolues de façon trop brève (Thor partant avec les Gardiens, Valkyrie devenant maîtresse d'Asgard) et d'autres relèvent presque de la pure anecdote (Hawkeye devenant Ronin, Captain Marvel pas si utile que ça). Sans parler d'un Time Travel illogique dont le fonctionnement nous échappe (le sort de Steve Rogers).
Mais c'était à vivre. Si beaucoup de choses sont ratées, les parties réussies de Avengers : Endgame sont celles qui seront retenues pour avoir clôturé une saga longue, inégale mais unique en elle-même pour avoir tenu aussi longtemps et prête à laisser la place à d'autre Phases. En route pour de nouvelles histoires.