Double hasard ici. Un double hasard qui court-circuite un peu l’appréciation que l’on peut avoir de ce film très beau et réussi. On s’explique. En effet, le premier d’entre eux, plutôt heureux car nécessaire, est celui qui voit « Annie Colère » sortir l’année même où le droit à l’avortement chèrement acquis a été bousculé, voire annihilé, au sein de la soi-disant plus grande démocratie du monde : les Etats-Unis. En effet, la Cour suprême a aboli ce droit durement gagné dans les années 70. Un choc rétrograde qui rend des films comme celui-ci hautement indiqués et bienvenus pour rappeler certaines choses élémentaires à des fanatiques ou des arriérés de toute sorte. C’est donc un bon point. En revanche, les hasards du calendrier font que ce film de Blandine Lenoir sorte à peine un mois après son pendant américain vu la semaine ée : le tout aussi réussi « Call Jane » (inédit en ). Même combat, mêmes problèmes, mêmes avancées ainsi qu’une progression narrative et dramatique quasi identiques qui font que l’on a l’impression de voir un remake. On exagère mais c’est presque cela et la symétrie entre les deux personnages principaux en est presque troublante. De plus, tellement ces deux longs-métrages se valent, leur critique pourrait être calquée l’une sur l’autre. On suit donc durant deux heures (un chouïa longues, comme « Call Jane »), le parcours d’une femme qui se fait avorter illégalement et qui va se sentir investie par cette cause au point qu’elle donne un sens à sa vie mais influe également négativement sur sa vie familiale en y prenant trop de place (un peu comme dans... vous connaissez la chanson).


Mais « Annie Colère » développe certains atouts non négligeables qui lui sont propres. D’abord il est très instructif sur les faits et le contexte social de l’époque mais, également et plus étonnement, sur la manière d’avorter. Loin d’être pesant, on apprend beaucoup de choses même si parfois le film flirte avec le didactisme. Lenoir nous revient donc plus de cinq ans après le sympathique « Aurore » avec un film bien plus engagé où elle retrouve l’actrice principale de son premier film, « Zouzou », é totalement sous les radars à l’époque. On parle bien sûr de la grande Laure Calamy dont la carrière a depuis explosé avec pas mal de succès télé (« Dix pour cent ») et cinéma, avec surtout « Antoinette dans les Cévennes » qui lui a valu un César. L’actrice est encore une fois parfaite même si ici elle ne prend pas vraiment de risques. On la préférait il y a six mois dans « A plein temps ». On adore le fait que le film ne se pare pas de clichés ou d’un effet de mode sur la masculinité toxique avec une relation douce et tendre, ouverte pour l’époque on serait tenté de dire, entre son personnage et son mari. C’est appréciable car on commence à saturer sur le sujet. Il y a quelques notes d’humour bien senties et d’autres moments bien plus déchirants (comme dans...). Bref, vous l’aurez compris, comme son cousin américain c’est un film plaisant et nécessaire avec un fond politique, social et protestataire bien senti même si le combat en n’a pas lieu d’être comme aux Etats-Unis. Ah si, on allait oublier. Le film a un petit défaut auquel il ne pouvait rien : er après l’immense film français sur l’avortement sorti l’an é : « L’Évènement ».


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le 6 nov. 2022

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Rémy Fiers

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