Amour
7.2
Amour

Film de Michael Haneke (2012)

Gérons tôt au logis

En fait, ça m'a frappé à peu près au milieu du film. Amour est un remake de l'exorciste.
Vous savez, cette angoisse qui va crescendo à chaque appel venant de la chambre. A chaque incursion dans celle-ci, l'appréhension du spectacle à subir. Et dans les deux cas, les régurgitations, les incantations incompréhensibles, le corps qui se désagrège peu à peu…

Cette considération irrévérencieuse mise de côté, que penser de ce film ?
Bien sûr, je comprends tous ceux qui n'ont pas é l'aspect lugubre, lent et quasi-clinique des derniers jours de ce couple dont peu de plans épargnent une représentation disgracieuse du physique de ses deux formidables acteurs. Je trouve cependant difficile d'être surpris en s'attaquant à cet "amour", à moins de s'y atteler sans avoir vu une bande-annonce, lu un synopsis, ou en étant é à côté de toutes ses critiques ou récompenses.
On peut également se montrer touché par ces moments de réelle tendresse entre deux êtres que les années avaient placé dans une relation de complicité confortable et légèrement distante.
Terrorisé lorsqu'on se rend compte que ce que l'on voit à l'écran nous touchera tôt ou tard, quand il s'agira de nos parents ou de nous-mêmes. Une réaction heureuse post-visionnage pourrait même consister à se dire que merde la vie est trop courte, fonçons courir nu dans un champs de colza (ne me demandez pas pourquoi, c'est un vieux fantasme), goûtons avec folie et frénésie à tous les excès, débarrassons-nous illico de tout ce qui nous pollue inutilement l'existence, bref, vivons intensément immédiatement, foutre-dieu !
Un spectateur averti, enfin, saura discerner dans cette histoire celle d'un alter-égo du réalisateur puisque ce dernier aurait tourné dans une réplique exacte de l'appartement de ses parents.

Avec l'esprit terriblement synthétique que vous me connaissez, j'ai tour à tour éprouvé chacun de ces états. Certainement pas bouleversé, souvent dubitatif (quel est le véritable intérêt de ce film ?) et au final relativement séduit (de très belles scènes, un Trintignant éblouissant).

Curieusement, le cinéma francophone ambitieux semble développer une nouvelle grille de lecture pour ses spectateurs désorientés: placer dans la bouche de son acteur vétéran la phrase qui, peut-être, éclaire l’œuvre. Après Piccoli qui, dans Holy Motors, déclarait que "la beauté se trouve dans l’œil du spectateur", c'est cette fois Trintignant qui, dans un souffle, et à propos de l'état de sa femme, avoue que "rien dans tout ça ne mérite d'être montré".

Il est sûr qu'Haneke filme ce qu'on ne voudrait pas voir, dissèque ce qu'on s'efforce d'oublier. Si la qualité de l'écriture et de l'interprétation ont rendu ce sombre voyage presque plaisant, je ne suis pas prêt d'y retourner rapidement.
6
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le 26 févr. 2013

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guyness

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