Déjà chantée avec force dans le récent Quand vient l'automne de François Ozon, l'utilisation ici du titre de cette chanson de François Valéry, avec son célèbre et tellement vrai « n'attendons pas qu'la mort nous trouve du talent », permet à cette comédie d'afficher ce refrain comme un crédo optimiste en traitant avec légèreté, voire dérision, le sujet grave de la fin de vie, qui se conjuguent par hasard, mais judicieusement, avec les difficultés de l'amour filial.
Contrairement au magnifique On Ira d'Enya Baroux, encore dans les salles, film hyper sensible qui fait couler les larmes sur les sourires, le propos de Aimons-nous vivants n'est jamais vraiment dramatique. Son scénario à rebondissements évolue dans une ambiance qui se veut drôle, sans toujours y arriver hélas, mais qui n'empêche pas le questionnement sur ses propres actes, ainsi que la force des rencontres et du destin.
L'efficacité du duo Valérie Lemercier - Gérard Darmon fait le film
Frappé de peur existentielle après la soixantaine, Jean-Pierre Amérys avait sans doute besoin de réaliser une telle comédie pour son quinzième long-métrage, genre qu'il affectionne, après son très beau Marie-Line et son juge (avec Louane et Michel Blanc, dernier film sorti de son vivant).
Le coup de génie du réalisateur est d'associer dans son film Valérie Lemercier (Aline) et Gérard Darmon (L'amour c'est mieux que la vie), ces acteurs archi reconnus et capables de jouer tant de genres différents. Pourtant, ils ne s'étaient pas retrouvés ensemble depuis Bienvenue à Bord d'Éric Lavaine en 2011, film dont ils n'étaient pas les uniques personnages principaux. On sent ici une alchimie évidente entre eux sur laquelle le film fonde son intérêt, et ce n'est pas par hasard si l'on ne voit quasiment qu'eux dans la bande-annonce. À tel point que le duo écrase le reste du casting, quasi inexistant à pouvoir donner le change, pas même Patrick Timsitt (le manager véreux dont l'humour sert à peine de faire-valoir) ou Alice de Lencquesaing (jouant la fille, actrice qui semble perdue dans la répartie, pas facile, voire difficile, face à la truculente Valérie Lemercier).
Et c'est même essentiellement Valérie Lemercier qui fait mouche, tire le duo et le rend comique, par son excentricité et son côté nature qu'elle semble endosser comme une seconde peau, en assurant la dynamique du film ! Sa longévité et sa justesse dans le genre comique sont d'ailleurs impressionnantes, ce qui est moins le cas pour Gérard Darmon, mais il tire ici avantage de ses qualités de chanteur !
La vie au-delà de la mort : une fable rocambolesque et originale
La rencontre inopinée entre Antoine Toussaint (ce chanteur de renom victime d'un récent AVC et dépressif, incarné avec brio par Gérard Darmon) et une de ses grandes fans, Victoire (cette femme déséquilibrée et extravagante jouée avec malice par Valérie Lemercier) a lieu dans le TGV Paris-Genève, le réalisateur faisant ainsi astucieusement appel à la symbolique du road movie ferroviaire, genre apprécié de François Truffaut, qui permet de projeter les deux personnages dans une nouvelle trajectoire de vie qui va les transformer.
Dans la situation du chanteur, on comprend vite pourquoi il va en Suisse (à l'instar de ces films sur le suicide assisté), mais le moins qu'on puisse dire est que le prétexte n'est pas très légitime, voire incongru, Jean-Pierre Amérys nous invitant au age et de manière subliminale, même avec légèreté, à la réflexion autour de l'euthanasie et des excès auxquels cela pourrait mener.
Le cas de Victoire est certes très différent mais pas moins préoccupant : souffrant de bipolarité chronique, elle vient d'obtenir une autorisation de sortie de prison pour tenter d'assister au mariage de sa fille, qui ne veut plus entendre parler d'elle en raison des situations catastrophiques qu'elle crée.
Dans une ambiance colorée et lumineuse, tout le scénario du film s'appuie sur cette rencontre des contraires pour en construire les ressorts comiques, amenant même Antoine à changer ses plans pour aider Victoire, et laissant se développer entre eux un début de romance dont l'issue est cousue de fil blanc, ainsi que la réconciliation espérée entre la mère et la fille. Et par un quiproquo douteux, l'annonce erronée de la disparition du chanteur va conduire à des situations certes loufoques, voire rocambolesques, mais qui leur offrent une liberté inespérée de se projeter dans une nouvelle vie.
Une légitime indulgence pour ce film
Loin d'être toujours drôle, avec certains gags qui tombent à plat, cette comédie a tout de même un charme indéniable face auquel on a envie d'être indulgent, surtout grâce à l'osmose de ces deux acteurs principaux. C'est un genre de nos jours des plus difficiles à faire accepter par la critique, dans une société gangrénée par ses contradictions : on prétend savoir rire de tout, mais pas avec n'importe qui !
Le réalisateur sait éviter ici les sujets qui fâchent, tout en réussissant à continuer d'alimenter, certes de manière décalée, le débat sur la fin de vie, avec cette joyeuse injonction de « nous aimer vivants avant qu'la mort nous trouve du talent », rendant ainsi hommage aux belles paroles de Pierre Delanoë. Souhaitons que l'accueil positif des spectateurs sera au rendez-vous !
Critique à retrouver sur Le Mag du Ciné :
https://www.lemagducine.fr/cinema/critiques-films/aimons-nous-vivants-film-jean-pierre-ameris-10075621/