C'est un film monde. C'est sublime, c'est désespéré mais aussi pleins d'espoirs. C'est un émerveillement. Une esthétique incroyable, avec une texture et des profondeurs absolument renversantes et bouleversantes.
Ce film est comme une porte ultime vers les nuages de l'éternité, après que les nombreuses guerres ont succédé toutes ces époques et toutes ces âmes pour faire corps dans un déluge mortifière ultime.
Deux personnes en proie aux doutes, se cherchant, s'emancipant du langage pour trouver une voix ailleurs... La splendeur de la beauté infini de ces paysages, de ce monde en "guerre" permanente, où le naturel nous échappe, où le chemin de la possibilité même de vivre en disant "non" tout en étant dans cette émerveillement du "beau" de l'enfance est de plus en plus tortueux à atteindre. Cette enfance, cet état constant de naturel ne parvient plus qu'à exister seulement dans le souvenir douloureux agrémenté d'une amertume certaine. Chacun de nos combats ou illusions ne parviennent plus à renaître.
Ces personnages parlent et évoluent comme dans un enclos, une scène finale, où il est impossible à fermer rideau pour pouvoir faire une mise au point et ensuite explorer des merveilles de l'imaginaire.
Il y a aussi ce chien. Spectateur autant que nous le sommes. Perdus dans les décombres des violences humaines. De leurs doutes . De leurs espérances. De leurs erreurs. De leurs aveuglements. Ce chien se fondant dans le beau, en étant vivant et libre qui sans cesse est ramené au dépouillement chronique. Ce monde sans fin que représente l'imaginaire est occupé. Godard ironise aussi beaucoup. Godard rit aussi beaucoup, mais d'un rire désespéré. Comme ce parallèle entre 1789 et la déclaration des droits de l'animal. Comme ces individus costumés et armés menaçant les individus libres de ce fardeau, libres de cette mascarade , pour les obliger à vivre dans l'illusion de la liberté, puis pour les obliger à mourir dans l'oubli au lieu de laisser l'individu se fabriquer des souvenirs. L'animal est occupé. Son imaginaire l'est aussi.
Godard prend le temps de nous emporter avec soin, après une mise en bouche en guise d'entrée violente, brutale et irritante. Nous assistons sensiblement à l'absurdité de la société. Nous assistons , nous spectateurs, comme cet animal égaré, à la représentation cinématographique de la beauté comme splendeur de la vérité. Voir la réalité du monde par la force de l'esthétisme poussé à son paroxysme. C'est l'essence même de ce que devrait être le cinéma. C'est un film monde. C'est un film de cinéma.
Au age nous rencontrons Monet, Céline, Platon, Faulkner et tant d'autres.
Ce film est une porte d'espoir pour tout individu vivants et écrasés par le poids de la mort généralisée.
Godard ouvre son film avec cette citation
"tous ceux qui manquent d'imagination se réfugient dans la réalité
A D I E U
reste à savoir si de la non pensée contamine la pensée
A D I E U
oui, c'est ce que nous avons eu de meilleur, dit Deslauriers "
Puis ensuite nous assistons à la naissance et à la mort. Le zéro et l'infini. L'amour et la mort. La douceur et la guerre. C'est un film monde. C'est un film de cinéma sur la vie tout autant qu'un film sur le cinéma.
Godard a en plus l'idée génial de révolutionner son outil (brillante utilisation de la 3D et de cette nouvelle "nouvelle vague" que Godard a commencé à perfectionner dans sa dernière période) pour nous emmener dans des expériences sensorielles et atemporelles inédites dans une spirale évoquant l'existence , la mort puis la renaissance éphémère.
Puis à la fin c'est la renaissance. À travers un nouveau langage.
Une vie commence.
Puis vu que l'homme reproduit sans cesse ses erreurs. Une autre guerre reviendra à nouveau balayer nos espoirs et nos réussites nouvelles.
Ensuite il faudra trouver une autre erelle pour survivre.
Avec l'espoir que cela soit possible.
En attendant il faut survivre en laissant notre imaginaire en pause. Nous serons à nouveau face à l'absurdité et la bêtise mortifière.
Pour ensuite peut être mieux renaître.