🔴Pour le lecteur pressé, en moins de 3 minutes : https://youtu.be/lUX2gJMAaf8
🔴 Pour découvrir ma critique vidéo complète, copier/coller "cinéma sans fard + Accident domestique" sur YouTube !
👉 Et s'abonner à cette chaîne Youtube où je publie régulièrement ces articles, pour n'en rater aucun !🔴
Ils sont là, tous les deux, aussi médiocres que terrifiés. Lui est un animateur de télé au bout du rouleau, le genre qui croit que l'audimat est un absolu moral, elle est une femme au bord du gouffre – ou déjà dedans, avec des fleurs sur le balcon comme seules alliées. Ils s'aiment, sans doute. Mais on s’aime mal, quand on se hait autant. Dès l'ouverture, l'accident est là : brutal, grotesque, à la frontière du cartoon et du drame grec. Et tout le reste du film, c’est la tentative dérisoire de recoller un monde qui ne voulait plus tenir.
Caye Casas, dont le nom pourrait aussi bien être celui d’un tueur à gages que d’un artisan du malaise, manie le genre avec une précision sadique. Il filme comme on pointe un doigt sur une plaie mal refermée, il s’amuse du malaise, le tord, le laisse s’infiltrer entre les répliques, les cadres, les silences, les pleurs étouffés et les cris contenus. Son couple principal, de plus en plus coincé dans un mensonge improvisé, devient le théâtre d’une dissection de la lâcheté ordinaire. Et ce qui devait n’être qu’un mensonge de quelques heures devient une nasse qui se resserre, lentement, méthodiquement, délicieusement.
C’est noir, bien sûr. Mais un noir qui ne cherche pas la profondeur métaphysique. Ce n’est pas Bergman, c’est plutôt du Chabrol sous acide. Une méchanceté assumée, qui renonce à toute rédemption. À mesure que les décisions s'enchaînent – toutes mauvaises, toutes humaines – le film se transforme en cauchemar de velours, où chaque action empirique semble être la meilleure jusqu’à ce qu’elle devienne la pire. Il y a du vaudeville dans ce jeu de cache-cache avec la vérité, mais un vaudeville sans portes qui claquent : ici, les portes s’entrouvrent et laissent er l’odeur du sang.
Casas filme l’échec moral comme un sport de combat. C’est frontal, mais jamais bête. Cruel, mais jamais cynique. La mise en scène, faussement sage, cadre au millimètre des visages qui se décomposent avec une beauté presque picturale. Le rythme, lui, avance sans secousse mais sans répit. Il n’y a pas de crescendo, seulement un glissement. Une pente. Une descente. Et en bas : un néant familier, celui qu’on connaît tous un peu, mais qu’on préfère ignorer.
Accident domestique, c’est la preuve qu’un film peut être impitoyable sans être lourd, qu’il peut être drôle sans jamais chercher la blague, et que parfois, ce qu’il y a de plus terrifiant, ce n’est pas la mort. C’est d’avoir voulu vivre à tout prix.