«Les Fleurs du M.»
Pas de quoi induire un syndrome de Stendhal, je vous l'accorde. N'empêche que ça sonnait bien, comme titre de critique, avant que je ne retombe sur le billet de mon pote Pif (très bon, soit dit en ant). Alors, plagiat inconscient ou effet d'une quelconque drogue ? Je ne saurais dire. Et en ce qui concerne A Scanner Darkly du coup, peut-on parler de Substance M-erveilleux ou de Substance M---- (autre chose) ?
Toujours est-il que dans Substance Mort, K.Dick évoque une addiction qu'il connaît de manière très personnelle: la drogue. Le brouillage est total. Et en parlant de troubles, le "scrumble suit" renvoie d'ailleurs à l'image de cette société désincarnée, impersonnelle, dans laquelle les drogues sont l'abattoir, et le peuple le bétail qui s'y dirige aveuglément. Les crédits de fin, déroulant la longue liste des victimes de l'entourage de l'auteur d'Ubik, attestent de la violence du fléau.
Le procédé utilisé pour la mise en images de cette adaptation, à savoir la rotoscopie, insuffle un caractère hallucinogène et mouvant plutôt bienvenu dans cet univers barré, peuplé de gens en manque de repères, à l'image du héros. Cela peut prêter à sourire (tout comme le fait de se dire Marl avait donc raison. Quoiqu'il en soit, voilà une bien belle illustration de technique déployée au service du récit, kudos à Monsieur Linklater.
Un Keanu à la D Reeves donc. A la fois Fred, agent des stups camouflé en permanence et Bob Arctor, junkie de plus en plus déphasé, que Fred va devoir surveiller à la demande de ses supérieurs, qui ignorent encore sa véritable identité. Cette situation conduira Fred à se taire et à prétendre mener à bien sa mission, tout en jouant un double jeu dangereux (remarquez l'ironie, quand un seul "jeu" constitue déjà un Everest pour l'acteur de Matrix) afin d'éviter un camouflet. Sa bande de potes est essentiellement composée de Barris, interprété par un Robert Downey Jr qui fait du (bon) Robert Downey Jr - pas vraiment un rôle de composition, diront les plus filous. De Luckman, campé par un Woody Harrelson affublé d'une perruque blonde, façon Brice de Nice wannabe. Et enfin Donna, une Winona Ryder dealeuse et un brin psychorigide. Glandeurs et décadence.
Le film de Richard Linklater est assurément bavard, pourtant les échanges demeurent fluides et fonctionnent plutôt bien. Il n'y a qu'à voir cette séquence durant laquelle de véritables théories complotistes sont élaborées par les différents intervenants autour d'un vélo. Au-delà de son aspect résolument comique, cet instant définit ce que semble être devenue la société dans l'oeuvre de K.Dick, à savoir un ramassis de junkies échangeant des délires paranoïaques. Autant dire qu'en seconde lecture, la scène n'est finalement pas si drôle que cela. Et puis question complots, ce n'est pas tout, et c'est là que l'habileté de l'écriture de Philip K.Dick fera des merveilles, surtout portée à l'écran par le géniteur des Before. Pour ne rien gâcher, le doux son de Radiohead, collant parfaitement à l'ambiance unique qui se dégage de l'oeuvre, viendra bousculer nos cages à miel.
A mon sens, A Scanner Darkly est un très bon film (adaptation, je ne saurais dire, à l'heure où j'écris ces lignes), qui a pourtant pris son temps avant de s'attirer mes faveurs - à savoir un endormissement, un premier visionnage mitigé et ce second run révélateur. Sans doute un quelconque conflit de longue durée entre mes deux hémisphères...