Tout comme la plupart des gens, j'ai découvert Asghar Farhadi avec le captivant Une Séparation. Et tout comme la plupart des gens - du moins, je l'espère -, à la suite de cette claquounette, j'ai décidé de m'intéresser de plus près à ce réalisateur du Moyen-Orient en voyageant à travers son oeuvre parfumée. Ma deuxième excursion fut donc À propos d'Elly, son deuxième film exploité en (Ours d’Argent du meilleur Réalisateur en 2009).
L'iranien signe là un quatrième film frappant de réalisme. Un quasi huis-clos en trois parties. Il y a d'abord la rencontre avec Elly lors d'un après-midi pique-nique organisé par Sepideh, dans l’unique but de caser – non délicatement - un de ses amis avec cette femme au regard incertain. Une humeur décontractée et taquine souffle avec entrain les couples jusqu’à la plage. La joie et la bonne humeur sont toujours au rendez-vous, tout le monde se chambre mais les cibles principales sont Elly et son prétendant pour le mariage. On nous montre alors une facette insoupçonnée par la majorité des occidentaux : un Iran moderne ou les femmes voilées se dévoilent et sans tabous, parlent, rient et dansent avec des hommes. Un Iran où la femme est Présente, où sa parole pèse, où ses actes comptent, où la femme est l’égal de l’homme. Dans ces moments, ils semblent s’être oubliés et vivent l’amour de leur religion sans la réfléchir, sans se bouffer à épier et estimer la valeur de chacun de leurs faits et gestes.
Puis vient la deuxième partie : la disparition et la recherche d’Elly. Disparition en hors-champs suivie directement d’une ellipse. Le mystère plane, personne ne sait rien et les téléspectateurs sont forcés de participer eux aussi à la recherche. Il y a d’abord la peur, puis le doute et enfin l’accusation. Pas n’importe quelle accusation puisque c’est la femme qui par l’homme, est désignée comme responsable. Le voile apparait différemment désormais, c’est le voile de la honte et du regret. Leurs yeux n’ont plus d’éclat, leur sourire s’est effacé et l’ambiance devient pesante. Chacun se renvoie la faute mais maintenant que la femme a fauté, la voix de l’homme est plus lourde et se responsabilise. La femme ne compte plus seule la peur existe. Une peur et une angoisse incarnées par des acteurs incroyablement habités (la caméra portée et le dynamisme du montage font aussi leurs effets), et je retiendrais surtout le visage de la très charmante Golshifteh Farahani (Sepideh) dont l’expression laissait transparaitre la lente agonie de son cœur inondé de regrets…
Les nombreux non-dits embrouillent et font monter la pression d’un cran jusqu’à la dernière partie du film : l’après recherche. Et c’est dans cette troisième partie qu’un 9 se transforme en 8. En effet, le dénouement manque de piment, celui omniprésent dans le reste de l’œuvre. C’est bien pour moi le seul bémol, une fin trop facile – que l’intelligence générale avec laquelle le réalisateur a façonné son film rattrape aisément.
Un voyage parfumé et anxiogène à souhait. Je le conseille fortement !
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