Gaspar Noé est un sacré farceur : avec son affiche racoleuse et son teaser chaud bouillant, je m'attendais à une oeuvre assez trash et vulgaire, il faut bien l'avouer. J'arrivais circonspecte.
En fait, je vais commencer par écrire une bonne chose : Gaspar Noé est un réalisateur fleur bleue, limite midinette à certains moments (dans certains dialogues).
Heureusement, il a pour lui du génie, un talent immense, un sens inné du cinéma qui lui fait réussir à sublimer son romantisme quasi-gnangnan par une mise en scène d'une beauté et d'une modernité hypnotiques. Et une bande-son fabuleuse. Et des acteurs magnétiques.
Lui qui voulait faire de Love un film d'amour avec du sexe a parfaitement rempli sa mission. Electra et Murphy vibrent à l'unisson d'une ion qui les consume depuis le premier jour et leurs corps-à-corps reflètent l'émotion électrique qui les lie. On ne m'ôtera pas de l'idée que Noé possède un sens incroyable de l'image... Cette mise en lumière et en beauté des corps (notamment féminins), la façon qu'il a de sublimer la nudité m'a totalement envoûtée : les couleurs douces, chaudes, fauves, solaires, le raffinement des cadrages, la photographie si sophistiquée... Tout est absolument superbe, je ne vois pas comment il est possible de ne pas constater la puissance de son esthétique.
C'est d'ailleurs le chef opérateur Benoît Debie qui est aux manettes et qu'on retrouve aux côtés de Wim Wenders ou de Ryan Gosling : le gars sublime n'importe quelle lueur, dosant à la perfection clarté et obscurité.
Sans transition, ons à l'éjaculation face caméra, qui a fait couler tant d'encre et de fiel critique. Pour moi, ce détail est clairement à rapprocher de l'exploration qu'il avait entamée dans Enter The Void : une introspection existentielle et métaphysique sur l'origine même de la vie, son principe inhérent et le vide duquel elle procède. Messieurs et Mesdames les censeurs, les choqués, et tous ceux qui poussent des hauts cris face à tant de trivialité, de crudité : savez-vous que vous devez votre existence à un éjaculat ? Est-ce mal ? Est-ce dégoûtant ?
Non, c'est simplement la vie telle qu'elle se crée dans notre pauvre condition mortelle, ce n'est pas bien grand, pas bien sublime ni glorieux, c'est juste de la vie organique, le principe du mouvement. Heureusement, pour tout le reste : il y a l'amour. Le beau, le fort, le vibrant, qui vient apporter un supplément d'âme à tout ça. Et dont Noé réussit à nous faire saisir toute la puissance de création, mais aussi de destruction et de violence.
Il y a de la tragédie chez Noé, du Roméo et Juliette moderne, une vision quasi-"courtoise" de la relation amoureuse - forcément un absolu vécu à deux - si extrême et jusqu'au-boutiste qu'elle se révèle au final intenable. Et c'est là d'où sourd toute la mélancolie, la noirceur, la dureté de Love : dans le constat que la vie sépare même ceux qui s'aiment, que l'amour même immense ne prémunit pas contre les erreurs et les regrets.
J'ai trouvé ce film envoûtant, excitant, douloureux, romantique, intelligent, drôle par moments, caustique, subversif, provocant - avec toujours cette profondeur réflexive presque mystique que j'avais déjà tant aimé dans Enter The Void.
Les scènes de cul sont absolument superbes - c'est si beau de voir ces corps parfaits faisant l'amour et filmés avec tant de plaisir - et illustrent à merveille la communion des corps désirant, amoureux.
N'en déplaise à certains : ces instants de félicité charnelle nous ramènent à notre humaine condition de la plus belle et la plus émouvante des manières.
Tu as eu raison, Gaspar, de te souligner un peu dans ton film, de te faire des clins d’œil autobiographiques : après tout, tu as bien le droit de le faire, d'aimer ce que tu fais : c'est ton bébé et il est beau comme tout.
Ta scène de douche m'a émue aux larmes, tes images tendres et sensuelles m'ont toutes fait chavirer : pour moi, tu es sans aucun doute l'un des plus grands réalisateurs français.