Si j’avoue avoir découvert Le Château dans le ciel assez tard, j’ai rattrapé mon retard. Mes enfants l’ont visionné, plus ou moins en boucle, dix années durant. Il doit à leur ion le statut envié de “film localement le plus vu“. J’ignore combien de fois je me suis arrêté devant lui. Je suis rarement resté du début à la fin. Je picorais quelques séquences en ant dans le salon. Dix minutes, le temps d’une scène d’action. Vingt minutes, le temps d’aller « vraiment » les coucher. « Encore une minute ! S’il te plait ». Les secondes gagnées sur le sommeil prennent pour des bambins, et par ricochet pour leur père, une valeur inestimable. Tous les sens en éveil, nous emmagasinions avidement de la matière à rêve. Or, Miyazaki est un maître onirique. Un des plus grands, l’égal de Stevenson, Tolkien ou Walt Disney.
Mes gamins le connaissaient par cœur. Le moindre personnage secondaire, la plus courte des répliques, un sourire esquissé, un effet de manche, une cabriole, le détail d’une robe... Pour autant, chaque soir, ils réclamaient Le château, sans manifester de lassitude. L’enfant aime se réfugier au sein d’un univers connu.
Je reconnais avoir du mal à me replonger dans une histoire dont je connais la fin. J’ai longtemps estimé perdre mon temps. Comme si seul comptait le fait d’accumuler des scénarios, sans prendre en compte la qualité de cette connaissance. J’ai appris d’eux à revoir, relire, revivre.
Dans un monde imaginaire, une Europe du nord steam-punk, un jeune garçon solitaire, pauvre et courageux, vivra un conte de fée. « Quand tu es tombé du ciel, mon cœur s’est soulevé. » La jeune Sheeta est une véritable et discrète princesse, l’héritière légitime de Laputa, un mystérieux château caché dans les nuages. Legs d’une civilisation disparue à la technologie fascinante, Laputa captive poètes et aéronautes, mais attire pirates, politiciens et généraux. Les puissants se déchireront pour mettre la main sur les merveilles de Laputa. Miyazaki ne cache pas sa ion pour la technologie qui vainc la pesanteur, qui permet à l’homme de voler, qui libère le mineur de la douleur de la mine, mais il craint notre cupidité et notre orgueil. Le mal n’est pas dans la machine de guerre, ni même dans la nation ennemie ou l’entreprise concurrente, mais au sein de chacun de nous.
Miyazaki allie avec talent roman d’apprentissage, quête mystérieuse, aventures picaresques, intrigues politiques et conte fantastique. Nous courons, volons, plongeons et irons le ciel vu de la mine et la terre vue du ciel. Une fois n’est pas coutume, les plus belles scènes du film ne célèbrent pas la beauté de la nature, mais la grâce surprenante d’un robot jardinier et poète, proche et paisible parent de celui de Paul Grimault, qui délaissant sa vocation guerrière initiale, arrose et soigne son jardin. Il faut cultiver notre jardin.
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