Au moment de la sortie de Qui arrêtera Cyanure? Terminator avait débarqué en salles l'année précédente.
Tome et Janry aimant s'inspirer du cinéma, ces derniers créèrent leur propre Terminator version Terminatrice.
Après les co-héroïnes comme Seccotine ou Ororéa étant des journalistes comme Spirou et Fantasio, ce fut au tour des antagonistes d'avoir un visage féminin dans l'univers des deux reporters.
Ceci dit, contrairement à Zorglub étant marquant par son inconscience de faire des actes répréhensibles par soif insatiable de reconnaissance ou Zantafio mémorable par sa perversité prêt à tenter de tuer son cousin pour un centime, Cyanure est plus marquante par son charisme que pour sa motivation. En effet, elle n'est rien de plus qu'un énième personnage basique d'IA (ou dans ce cas-ci robot) ne voyant le monde que par la logique et étant obsédée par la destruction/soumission des humains. Néanmoins, Cyanure agit de manière tellement violente et malsaine qu'elle en devient, non seulement mémorable, mais une méchante qu'il est jouissif de détester.
Pour en revenir à l'inspiration à la Terminator, les auteurs sont même allés jusqu'à faire un clin d'oeil à la scène de la centrale en montrant Spirou tenter de sauver Fantasio pris au piège par le robot dans une centrale électrique faisant ainsi écho à la scène de la centrale où Kyle Reese et Sarah Connor sont piégés par le Terminator.
En dehors de sa méchante, Qui arrêtera Cyanure? est très drôle et a la bonne idée de faire se dérouler le récit à Champignac, ville qu'on n'avait pas revu depuis plusieurs albums.
Ainsi, nous revoilà avec le maire toujours aussi idiot et prétentieux ou encore l'ivrogne Dupilon toujours aussi drôle.
Malheureusement, Qui arrêtera Cyanure? a beaucoup de défauts. En effet, au milieu du récit, il y a une loooooongueeeeee course-poursuite ne menant nulle part. Sans compter une facilité scénaristique grosse comme une maison pour retarder l'objectif des personnages principaux.
Et n'oublions la dernière péripétie avec les meugnons enfants innocents étant les seuls rescapés de l'avant-dernière attaque de Cyanure car étant partis au lit alors que leurs parents restaient devant la télé (pfouh! ça se sent que c'est une histoire écrite avant la démocratisation d'Internet!) permettant ainsi à l'antagoniste, contrôlant tout ce qui est électrique, de les "hypnotiser". Meugnons enfants se joignant à Spirou et Fantasio car les enfants innocents voient le danger où les adultes ne le voient pas jugeant les têtes blondes comme étant irrationnelles.
Mais ça n'est pas le pire.
Rien que le concept du personnage de Cyanure est extrêmement discutable. En effet, cette dernière est très sexy et, surtout, est une espèce de créature de Pygmalion (à travers le personnage de Caténaire dans l'album) l'ayant créé pour combler sa solitude mais ayant échappé à son créateur pour atteindre un but "diabolique". De plus, le fait que Cyanure s'attaque majoritairement à des hommes n'a rien anodin.
Ainsi, en plus du cliché sexiste de la séductrice manipulatrice à rendre docile, nous voilà obligés de subir une caricature irréfléchie, bête et méchante des féministes qui, parce qu'elles ne veulent pas dépendre des hommes et veulent vivre par elles-mêmes, sont forcément vues comme dangereuses et castratrices.
Bref, un album très plaisant à lire quand on aime les histoires d'IAs maléfiques et, surtout, en grande partie grâce à sa méchante mais étant, hélas et paradoxalement, trop peu flatteur envers les femmes.