C'est le tome du lâcher-prise : Tardi ne cherche plus à faire une histoire narrativement construite. Il enchaîne des idées, et les personnages eux-mêmes brisent le quatrième mur ("ce récit n'avance pas", "les lecteurs doivent s'ennuyer").
La bande dessinée se vautre avec joie dans le comique de répétition (la découverte trois fois de suite de corps momifiés par le même bourgeois de retour de soirée). Le dénouement est ridiculement décousu (un jeu de massacre confus dans lequel l'auteur jette sans scrupule les protagonistes du Démon des glaces, pour lequel il fait une réclame éhontée).
Reste cette imagerie si forte, si réussie, avec ces catacombes et ces pyramides dans les souterrains desquels déambulent des démons cornus ou ailés, un couteau à la main. Et la joie de voir l'inspecteur Caponi se mêler d'une intrigue qui dée de loin ses compétences.
Adèle n'est plus une aventurière mais une romancière, sorte de projection de l'auteur. Elle perd définitivement en mystère pour devenir une sorte de détective-malgré-elle
J'aime beaucoup Tardi. Mais il faut l'accepter en bloc, et notamment son goût pour le feuilletonage à suivre et les ficelles narratives qui vont avec. En fait, quand on lit un Adèle Blanc-Sec, il faut garder à l'esprit que c'était publié comme une série à suivre, et là on comprend l'intérêt de la chose.